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Sandrine Collette :
Docteur en science politique, Sandrine Collette partage sa vie entre sa carrière d'écrivain et le Morvan où elle vit sa passion pour les chevaux et la nature.
Ses romans :
Des nœuds d’acier : Ed. Denoël, 2012
Un vent de cendres : Ed. Denoël, 2014
Six fourmis blanches : Ed. Denoël, 2015
Il reste la poussière : Ed Denoël, 2016 (Prix Landerneau du polar 2016 )
Sandrine Collette a rencontré les élèves d'une classe de 2e du Lycée Aristide Briand de Gap, des élèves de Madame Laurence Silva, professeur de Lettres. La rencontre s'est faite autour du livre Six fourmis blanches :
Ce roman se passe dans une vallée reculée de l’Albanie.
« Je suis un sacrificateur ». A la demande des paysans de ce village albanais, Mathias est celui qui éloigne les mauvais esprits en jetant une chèvre du haut d’une falaise pour conjurer le mauvais sort, quand un événement va se passer dans un des villages.
Lou, jeune Française, son ami Elias partent avec quelques autres touristes, pour un trekking dans les hautes montagnes albanaises. Vigan, un guide local, les conduit. Il faisait beau mais le temps va virer. La tempête s'est invitée et c'est le début d'un long cauchemar.
Superstitions, surnaturel, malaise, peur incontrôlable, puissance maléfique de la montagne... Vont-ils pouvoir échapper à tous ces pièges tapis dans la tempête ?
La rencontre tout public s'est déroulée autour du dernier roman de Sandrine Collette :
Il reste la poussière :
L’histoire se passe dans une vaste plaine de la Patagonie, là où la steppe aride est balayée par des vents glacials. Dans ces lieux arides, une estancia avec une famille qui élève des moutons. La mère, une femme au cœur sec, abrutie par la fatigue et l’alcool. Mutique, elle dirige son estancia d’une main de fer. Ne connait que les menaces et les gifles pour faire obéir ses enfants qu’elle fait travailler comme des esclaves.
Ses quatre fils : Des jumeaux, deux brutes autoritaires, violents, harassés par le travail. N’ont que de la haine pour le troisième fils, Steban, qu’ils appellent « le débile ». Quant au petit dernier Rafaël, ce ne sont pour lui que coups et humiliations. Détesté, battu et écrasé dès son plus jeune âge par ses grands frères, rejeté par sa mère qui refuse de voir les blessures que lui infligent ses frères, qui n’a jamais pour lui un geste de réconfort, il a trouvé refuge auprès de son cheval et de son chien qui sont devenus ses confidents. Au milieu de cette haine il tente d’exister.
Les lieux :
Le roman se passe en Patagonie, dans une région immense, rude et inhospitalière, là où règnent le vent et la poussière, où ne poussent que des buissons épineux, des touffes d'herbe où ne peuvent survivre que des moutons; et pourtant il s'agit d'un huis clos oppressant. D'un côté les grands espaces, de l'autre l'intimité des êtres.
" J'aime la campagne, nous dit Sandrine Collette, j'aurais beaucoup de mal à vivre en ville. Dans mon enfance, j'ai entendu beaucoup d'histoires qui se passent dans la forêt et j'ai eu envie d'écrire un livre avec pour décor la nature, la forêt. J'ai vécu d'autre part la tempête de 2007 dans le Morvan, une tempête terrifiante. Dans un polar classique, un policier arrive et arrête l'assassin. Dans mes livres, la nature en colère, la démesure remplacent l'enquête policière. Je transforme l'immense beauté en immense hostilité. C'est cette démesure qui me fascine".
Mais on trouve aussi des lieux plus cléments avec des forêts, des rivières, de l'herbe, une nature que découvrira Rafaël. Ces descriptions sont comme des respirations, presque des moments de rédemption.
Les livres de Sandrine Collette ont été comparés aux romans américains deNature Writing tels que ceux de Rick Bass ou Ron Rash. Il reste la poussière vient d'être acheté par les Etats Unis où il sera traduit. "C'est bien agréable, nous dit Sandrine Collette, ils ont déjà beaucoup d'auteurs de Nature writing et de se dire qu'ils sont venus chercher un Français ...."
Les personnages :
La mère : Elle n'est pas nommée. Elle a une telle dureté que je n'ai pas eu envie de lui donner un nom, de l'incarner. Son rôle lui donne une autorité qu'elle exerce sur ses enfants. Le père a disparu et c'est elle qui mène son estencia d'une main de fer. Elle est immuable, continue à vivre dans l'époque où les fermiers vivaient en marge de la pampa, repoussés loin de la bonne terre qui permet d'élever des boeufs. Là, la terre est aride, faite de rocaille, n'y poussent que des buissons épineux qui ne permettent que l'élevage des moutons. D'où la dureté de la mère qui élève ses fils comme son bétail. Il n'y a jamais d'amour chez la mère, ni pour son bétail, ni pour ses enfants. Elle est de plus addict à l'alcool et au poker, à l'origine de bien des drames.
Les fils :
Joachim et Mauro, les jumeaux, 18 ans; ce sont eux qui font marcher l'estancia. Deux brutes autoritaires, abrutis par le travail. N'ont que de la haine pour le troisième fils, Steban, qu'ils appellent "le débile" parce qu'un jour il s'est arrêté de parler, témoin d'un drame.
Rafaël est détesté, humilié et battu par ses grands frères dès son plus jeune âge. Dans le prologue, il n'a que 4 ans et ses grands frères jouent avec lui comme au punching ball. Il est également rejeté par sa mère qui refuse de voir les blessures que lui infligent ses frères.
Mais il est plus malin que les autres, il encaisse les coups, sait qu'il ne trouvera jamais d'affection même auprès de la mère. Il attend le jour où il aura son cheval, signe qu'il est devenu un vaquero et que tout va changer. Mais rien ne change et il comprend qu'il ne fera jamais partie de cette famille. Alors il crée son monde à lui avec son cheval et ses chiens.
La construction du roman :
C'est un roman choral, explique Sandrine Collette, où chaque chapitre est raconté du point de vue de chacun des membres de la famille. Il est bien difficile de faire parler les taiseux, sauf si on peut se mettre dans leur tête et c'est justement ce qui se passe quand chaque chapitre est consacré à un personnage. Mais c'est un faux roman choral parce qu'il est écrit à la troisième personne et non à la première. Le regard porté sur les événements est soit celui de la mère, soit celui d'un des quatre fils, une façon de nous faire pénétrer dans leur intimité.
D'autre part cette construction permet de montrer la même scène vue par des personnages différents, ce qui peut faire évoluer l'histoire.
Roman noir, western crépusculaire, tragédie menée par une sorte de fatalité, il est difficile de placer de roman dans une catégorie. Dans ce décor immense, aride, il y a un enfermement, un huis clos, c'est la famille. Et là tout est tellement ficelé qu'il est impossible de faire changer les choses, ou bien il va falloir une force qui ne peut venir que de l'extérieur. Rappelons une parole de Rafaël : L'estancia est ma destinée et mon tombeau .
Il y a cependant quelques étincelles de bonheur, par ex. quand Rafaël est ébloui par ce qu'il découvre dans la forêt, au bord des lacs de montagne où il se baigne et il se passe alors une sorte d'initiation qui va lui permettre d'évoluer.
L'écriture :
Les mots font mouche, font mal et il est souvent nécessaire de s'arrêter pour trouver des moments de respiration. Le livre observe les personnages, les montre tels qu'ils sont mais ne donne jamais un jugement. Une place est ainsi laissée au lecteur pour créer ses images.