Alfred Dogbé a été reçu à Gap par Littera 05 dans le cadre des Francophonies 2006 (Avril 2006).
Avec lui, Noëlle Revaz et Samuel Millogo ont animé un week-end autour de la littérature francophone.
Né le 9 septembre 1962 à Niamey (Niger), Alfred Dogbé a travaillé comme professeur de lettres (1981- 1998) dans l’enseignement
secondaire puis comme chargé de cours à la FLSH de Niamey.
Depuis 1999, il se consacre entièrement à l’écriture de fiction, au journalisme culturel, à la création théâtrale et à l’animation d’ateliers d’écriture.
Il est directeur artistique de la Compagnie Arène Théâtre, de Niamey au Niger.
Publications
La mare maudite (Album jeunesse) Editions Albasa / GTZ, Niamey, 2002.
Les conquêtes du roi Zalbarou (Théâtre) Editions Lansmans, Belgique, 2002
Bon Voyage, Don Quichotte (nouvelles), Editions Lansmans, Belgique, 1997.
Auteur & metteur en scène de théâtre :
Certificat d'humanité, comédie, produite par la compagnie Arène Théâtre Août 2005,
Du Gombo pour deux légumes, Comédie créée par la Compagnie Arène Théâtre - Septembre 2003
Tiens bon Bonkano! Monologue dramatique, production Cie Arène Théâtre CCFN Niamey 2003.
Un cri de colère et d’amour, comédie d’après un épisode de la vie de Martin Luther King crée en février 2000.
Alfred Dogbé a fait au cours des rencontres "Francofffonies" à Gap, une présentation de
la littérature théâtrale de l'Afrique noire francophone
"Bon voyage Don Quichotte" _ Ed. Lansman, Belgique, 1998
Ces huit nouvelles dressent le portrait de personnages de la vie quotidienne, d'ici ou d'ailleurs : une famille éplorée à la mort d'un enfant, deux enfants que tout sépare devenus amis, un fonctionnaire trop zélé que tout le monde déteste, une femme trompée capable de pardonner à un mari menteur et fanfaron, une autre femme qui croit retrouver l'amour d'un mari qui l'a autrefois abandonnée, un homme entretenu par une femme, un enfant bien embarrassé face à une erreur et un mensonge... Problèmes de société, réalisme de la vie quotidienne... n'importe quand, n'importe où.
Mais l'ancrage de ces nouvelles dans l'Afrique actuelle se retrouve à chaque page : les boubous chatoyants des femmes et leurs bijoux étincelants, les youyous des fêtes dans les villages, la présence des griots, mais aussi la misère, les mendiants dans les rues, les inégalités flagrantes, les relents du colonialisme, le mépris des plus riches, l'humiliation des plus pauvres, les préjugés racistes, des actes de corruption chez les tenants du pouvoir, des ONG complices...
Ajouté à cela, parfois la façon de raconter à la manière d'un conte traditionnel, le souci d'extraire du récit une morale, des phrases qui reviennent comme une rengaine dans l'art oral traditionnel.
Résumé des deux premières nouvelles :
"Bon voyage,Don Quichotte" :
Dans un village africain, à une semaine des élections municipales, l'agitation est à son comble : les manoeuvres vont bon train pour organiser des manifestations qui doivent être des arguments électoraux de poids : manoeuvres des cérémonies officielles qu'on organise sous prétexte de remettre des dons aux habitants, manoeuvres pour se trouver aux premières loges devant les caméras, manoeuvres pour mettre en difficulté ses opposants, manoeuvres des représentants des ONG qui s'engraissent en parfaite symbiose avec l'élite locale". La mort d'un enfant au cous d'une violente bousculade ne changera rien à tous ces actes de corruption et de compromission, si ce n'est la démission du représentant d'une ONG : il a fermé les yeux pendant des années, acceptant des actes que sa conscience réprouvait. Surmontant enfin sa lâcheté, il manifeste son indignation et quitte l'Afrique, se sentant responsable de la bagarre à l'origine de la mort de l'enfant. "Bon voyage, Don Quichotte"!
"Le petit mendiant à la culotte bleue":
Un récit où l'on se rend compte que les bons sentiments qu'on affiche devant les autres, que la bonne conscience qu'on veut se donner ne pèsent pas lourd face à des préjugés profondément ancrés en nous et qui peuvent refaire surface à n'importe quelle occasion.
Un enfant va s'éveiller à cette triste réalité. Une amitié naît entre deux enfants d'une dizaine d'années que tout sépare: l'un fait partie d'une caste privilégiée, fils d'un homme riche, (un blanc sans doute, même si cela n'est jamais dit); l'autre vit d'aumônes dans la rue, ramasse dans la poussière les piécettes que des gens riches veulent bien lui jeter.
"Alors seulement je réalisai notre différence : lui était pieds nus et portait pour tout vêtement sa culotte bleue; tandis que moi j'avais étrenné un beau complet noir et une paire de souliers étincelants".
Les parents du petit blanc acceptent volontiers cette amitié, louent le sens de la charité de leur fils jusqu'au jour où ces bons sentiments vont voler en éclat... Le petit mendiant à la culotte bleue avait bien prédit qu'un jour ils ne seraient plus amis :
- Tu deviendras un grand commis comme ton père. Et nous ne serons plus amis.
- Rien ne nous séparera. Nous serons toujours amis... Tu ne me crois pas ?
- Je te crois... mais je sais que ce sera comme j'ai dit.
Alfred Dogbé devant les élèves du Lycée Aristide Briand à Gap
Tiens bon Bonkano !
Bonkano mendie dans les rues de Niamey depuis plus de vingt ans. Pourquoi en est-il arrivé là ? Il vivait tranquille dans son village avec sa famille, mais une année de sécheresse l'avait forcé à quitter son village pour partir vers la ville où la télévision montrait des monceaux de vivres. Avec les gens du village, ils avaient marché cinq jours et cinq nuits, poussés par l'espoir de manger et de boire enfin. Mais aux portes de la ville, ils avaient été refoulés et parqués dans un camp appelé Le Lazaret. Ils ne pouvaient sortir du camp mais mangeaient à leur faim grâce à l'aide humanitaire, jusqu'au jour où l'aide n'arriva plus. Alors Bonkano s'était échappé et était enfin rentré dans la ville. Mais des affamés y étaient déjà très nombreux et Bonkano n'avait pas eu le choix : s'il voulait manger, il devait tendre la main et devenir mendiant. Mais tendre la main n'est pas un geste simple : Les gens passent comme si tu étais transparent. Bonkano lutte contre l'indifférence des uns, les insultes et les reproches des autres : Tu ne peux pas travailler comme les autres ? Et la honte le submerge.
Alors, pour désarmer l'indifférence, il s'organise : il faut savoir où se positionner dans la ville, savoir observer les gens pour détecter les types au coeur de pierre ou inversement les plus généreux; il faut savoir varier son langage, parler aux gens dans leur langue maternelle... autant d'astuces qui lui permettent de trouver sa pitance au milieu des nombreux mendiants de toutes sortes qui ont envahi la ville ...
Ce que Alfred Dogbé a voulu nous montrer dans cette pièce, c'est le quotidien en Afrique, la vie de tous les jours . Les mendiants sont nombreux au Niger et Alfred Dogbé pose le problème de la mendicité : qui sont les mendiants ? Pourquoi en arrivent-ils à une telle extrémité ? Pourquoi n'ont-ils pas droit à l'aide humanitaire ?
C'est également le problème de l'aide humanitaire justement que pose Alfred Dogbé : pour qui cette aide ? Comment est-elle gérée ? N'y a-t-il pas une relation de dépendance dangereuse qui s'installe entre le Nord et le Sud ?
Tiens bon Bonkano est un exemple de ce qu'est devenu le théâtre africain contemporain : un théâtre qui puise son inspiration à la fois dans les tracas de la vie de tous les jours et dans les grands problèmes nationaux et internationaux.
Ousmane Aledji, un metteur en scène béninois dit :"Il nous faut sortir de cette Afrique de convention à laquelle nous sommes toujours renvoyés, parler du monde contemporain tel qu'il est, de nos vies avec nos mots d'aujourd'hui".
Un autre homme de théâtre béninois, Hermas Gbaguidi, représente ce nouveau théâtre, un théâtre qui se saisit de tous les sujets possibles, du quotidien comme des grands sujets d'actualité. Et c'est ce qu'a fait Alfred Dogbé dans sa pièce Tiens bon Bonkano ! quandil parlede la mendicitéau Niger et du problème de l'aide humanitaire.