Jean-Pierre Petit est journaliste. Il vit aujourd’hui à Villeneuve-lez-Avignon, après avoir passé dix sept ans dans les Hautes-Alpes, à Gap, où il travaillait au Dauphiné Libéré (rédacteur puis secrétaire de rédaction). Il enseignait autrefois l’espagnol et collabore aujourd’hui comme traducteur au site internet europolar.
Son premier roman (Serial couleurs) a été publié en 2005 aux éditions La Cardère.
Littera : Comment définir le roman noir ?
Jean-Pierre Petit : Jean-Patrick Manchette, le maître du néo-polar français a écrit : « Dans le roman policier, c’est l’homme qui est coupable ; dans le roman noir, c’est la société ».Cette citation peut être une bonne approche du polar. Effectivement dans le roman noir, il y a une dimension sociale, politique
Littera :"Le roman noir, espace libre et engagé" dit de son côté Jean Vautrin. Qu'en pensez-vous ?
Jean-Pierre Petit : Le mot « enragé » me fait penser à Jean Amila, un des grands maîtres du noir, qui était anarchiste et qui, dans ses romans, témoigne d’une révolte et d’un engagement vraiment à vif.
Littera : Le roman noir témoigne de toute la misère du monde et l’auteur de roman noir qui dénonce cette misère, est, sinon un homme révolté, au moins un homme engagé.
Jean-Pierre Petit : Le roman noir est né aux Etats-Unis, dans une période de crise économique, avec des auteurs comme Hammett et Chandler qui donnaient une vision assez noire et critique de la société.
En France, des écrivains comme Manotti, Daeninckx, ou Pouy prônent un roman engagé et critique et en font une sorte de tribune pour remettre en question la société.
En Espagne, Montalbano, avec ses aventures de Pepe Carvalho, a accompagné la transition entre l’Espagne franquiste et la démocratie, avec un regard très critique sur la société franquiste.
En Algérie, Yasmina Khadra, dans Morituri, fait une sorte de chronique sur la société algérienne pendant la terreur.
Littera : Ce qui est intéressant aussi avec le roman noir, c’est qu’il peut partir d’un événement historique. Je pense à « Meurtres pour mémoire » de Didier Daeninckh...
Jean-Pierre Petit : Et dans ce cas-là c’est l’écrivain Didier Daeninckx qui a devancé les historiens
« Serial couleurs »
On découvre le cadavre d’une jeune coiffeuse dans son garage, à Avignon. Pour José Laforet, qui couvre les faits divers pour un journal local, c’est presque la routine. Mais quand il apprend que le cadavre est recouvert d’une couche de peinture rouge, ça lui pose question.
Lui qui est un journaliste assez blasé, il va décider de faire une enquête sur cette mort.
Surtout quand il se rappelle que deux meurtres à peu près identiques ont été commis au cours des mois précédents dans le sud de la France. Deux jeunes femmes ont été tuées et leur corps recouvert d’une couche de peinture, et chaque fois d’une couleur différente.
Littera : On peut qualifier ce livre de roman noir littéraire, mais ne voulant pas dévoiler la fin du roman, il est difficile de développer cette particularité. Le lecteur découvrira une fin où s’invite un poète, et non des moindres, puisqu’il s’agit de Rimbaud.
Jean-Pierre Petit : Ce qui est intéressant dans ce roman, ce n’est pas de savoir qui a fait quoi, puisqu’on connaît l’assassin dès le début du livre, mais pourquoi, ce qui est une particularité de tout roman noir.
Littera : Que dénoncez-vous dans ce roman ?
Jean-Pierre Petit : L’importance prise dans le monde de l’édition de ce qu’on peut appeler « les romans des people ». Il n’y a qu’à voir le nombre impressionnant de ces romans que l’on trouve dans les librairies et le succès qu’ils ont depuis plusieurs années. Un tel raconte ses amours, un autre ses ruptures, un autre les malheurs de sa fille… Les gens se jettent sur ces bouquins et cette situation m’a interpellé et m’a fait comprendre que le sensationnel, le fait divers fait vendre. Ce que je veux dénoncer, c’est la culture marchandise. Et j’ai eu l’idée de créer un personnage suffisamment pervers qui, au lieu de simplement profiter d’un crime, allait le créer pour pouvoir l’exploiter ensuite.
De plus, journaliste, je me rendais bien compte que la presse participait aussi à ce phénomène de médiatisation, savait créer une sorte de psychose dont elle rend compte elle-même dans ses colonnes, véritable serpent qui se mord la queue. La presse peut ainsi nourrir l’inquiétude des gens, la psychose générale. Étant moi-même journaliste, il m’était plus facile de créer le personnage journaliste de mon roman, un journaliste qui en fait ne mène pas une enquête. Son travail c’est de couvrir les événements et de trouver chaque jour une nouvelle info à donner à ses lecteurs.
Littera : Quand vous étiez journaliste, avez-vous ressenti ce besoin de créer le sensationnel parce que le lecteur est avide de sensations nouvelles ?
Jean-Pierre Petit : Oui, et ce phénomène peut créer des dérapages. Il faut aller vite, il faut être le premier à donner l’info parce qu’on est dans un système de concurrence. On ne prend plus le temps de vérifier l’info, on est dans la chasse au scoop. Le lecteur que nous sommes tous, est friand de sensationnel parce qu’on sait très bien que chacun a une part d’ombre qui est en lui. Mais d’un autre côté, la presse joue parfois un rôle positif dans des enquêtes criminelles.
Littera : La ville est très présente dans votre roman. Laforêt aime se promener sur les places, entrer dans les églises pour découvrir des fresques, des tableaux. On découvre ainsi des lieux connus d’Albi, de Montpellier.
Jean-Pierre Petit : La cathédrale d’Albi où va se ressourcer Laforet auprès d’une fresque peinte par un anonyme « Le jugement dernier » lui rappelle « l’Enfer » de Jérôme Bosch. La cathédrale d’Albi, un monument extraordinaire, construite en briques. Dans chaque ville, je connais des lieux emblématiques que je fais découvrir au lecteur sans m’attarder longuement. A Montpellier, j’aime un vieux quartier où se trouve la place de la Coquille avec un petit bar où j’avais mes habitudes, quand j’étais étudiant. N’oublions pas aussi que les villes, le nom des villes plutôt, jouent un rôle dans la découverte de la vérité.
Littera : Vous parlez avec une sorte d’affection de la presse de province, du moins des correspondants locaux « les forçats de l’info, les Sisyphe du stylo ».
Jean-Pierre Petit : Ils ne sont pas journalistes mais se montrent très intéressés par la vie des gens, la vie locale et sont en quelque sorte des chroniqueurs de la vie quotidienne.
Bibliographie de Jean-Pierre Petit :
- Noirs Venins (collectif, nouvelles), éditions Reflets Noirs, Lans-en-Vercors, 2007.
- Mémoires du Quotidien (collectif), éditions Encrage, club de la presse Marseille Provence Alpes du Sud, Marseille 2006.
- Serial Couleurs, polar, éditions La Cardère, Laudun, 2005.
A paraître (juillet 2008) :
- Noirs de Corse, piccule fictions (collectif, nouvelles – recueil réalisé par le collectif d’écrivains de « Corsicapolar » au profit de l’association Handi 20).