L’auteur :
Pierre Benghozi, est né à Perpignan en 1961. Dans les années 80, il fut musicien, chanteur et parolier du groupe de rock Her-Bak. Depuis1994, il travaille à Paris comme scénariste dans le cinéma. Loki 1942 est son premier roman.
Le roman : Loki 1942 – Editions Serge Safran - 160p
Hiver 1942, la Norvège subit l’occupation nazie et entre en résistance. En représailles à un attentat contre 5 militaires, les Allemands enferment toute une nuit une institutrice et ses 5 plus mauvais élèves et menacent de condamner à mort 5 d’entre eux. Pour que le seul survivant puisse contacter le réseau, les cancres vont devoir apprendre par cœur un poème de l’ « Edda poétique » : « Les invectives de Loki », extrait du « Codex Régius », un des trésors de la culture viking, conservé à la bibliothèque royale de Copenhague. Ces vers contiennent un message caché que seul un résistant peut comprendre.
Par cet apprentissage, les élèves vont sortir de leur ignorance crasse pour découvrir en eux une énergie insoupçonnable : la force de la culture, de la civilisation, opposée à la barbarie nazie. Ils vont triompher grâce à une méthode musclée inventée par leur professeur : la technique du « Lire contre Ecrire » ou la course de vitesse entre la lecture et l’écriture.
On sait que l’Allemagne a envahi la Norvège en 1940, malgré sa neutralité. Mais l’auteur ne s’attarde pas du tout sur ce côté de l’Histoire. L’intérêt du livre est d’abord qu’il s’agit d’un huis-clos : un seul lieu, une salle de classe d’où il est interdit de sortir. Et dès le début on connait l’enjeu de l’histoire. Qui échappera à l’exécution ? Le suspense est entier jusqu’à la dernière page.
Pierre Benghosi explique le départ de son livre :
La première image que j’ai eue en commençant ce livre, c’est celle d’une meute de loups qui poursuivait une biche qui se réfugiait sur une corniche et les loups la suivaient ; ils se retrouvaient eux aussi prisonniers sur cette corniche. Ça m’a donné l’image de cette corniche, la corniche Preikestolen, que j’ai vue quelques jours plus tard dans la vitrine d’une agence de voyage : des gens sur cette corniche qui risquaient de tomber de la falaise, comme des mots qui eux aussi risquaient de disparaître …
Les personnages :
Cinq élèves, de jeunes cancres particulièrement durs, violents, certains obsédés par la nourriture, d’autres par le sexe. Ce sont des enfants sauvages, une meute de loups qu’il faut amener à la lumière. L’enseignante est le souffre-douleur de ces cinq cancres. Plus que le souffre-douleur puisque la seule réaction qu’ils ont quand ils voient qu’elle est dans le coma, c’est de vouloir en profiter pour la violer. Une violence très crue, des enfants sauvages qui vivent à l’instinct qu’elle va devoir amener sur le chemin de la civilisation. La seule chose qui les intéresse c’est de rester soudés, de rester une meute avec un chef à leur tête. Et le but de cette nuit c’est de donner la parole au chef pour qu’il les guide sur un chemin plus lumineux qui les sorte de l’obscurantisme dans lequel ils se trouvent.
L’institutrice : ce qui la caractérise c’est sa bravoure, son intelligence. C’est une femme qui est tout le temps dans l’analyse, une femme autoritaire, au passé trouble, qui décide. Elle a renoncé à la Résistance parce que son amant est mort. Elle accepte cependant une dernière mission. Elle va devoir apprivoiser ses cinq cancres, les attirer, pour qu’ils acceptent l’effort de l’apprentissage, la rencontre avec les mots, le langage et la poésie et qu’ils prennent entièrement conscience de leur portée. C’est leur vie qui est en jeu.
Il n’y a pas de bons personnages dans le livre. Il n’y a pas un affrontement entre le Bien et le Mal. C’est un affrontement entre le Mal et un moindre Mal, ce qui caractérise notre époque et les guerres actuelles. L’officier allemand du livre c’est un sale type mais en fait il obéit. Ce qui est mal en lui c’est que jamais il ne se révolte. Il est assez ambigu ; même s’il est très cultivé, c’est un maillon de la chaîne qui obéit. Il n’a aucune pitié pour les enfants. Il incarne la banalité du Mal. « C'était si simple un ordre, si clair, si reposant. Ca vous transportait d'une rive à l'autre en vous épargnant d'être mouillé ou le risque d'être emporté par le courant. »
Le poème : l’ « Edda poétique » : « Les invectives de Loki », extrait du « Codex Régius », un des trésors de la culture viking, conservé à la bibliothèque royale de Copenhague.
Loki dit : tais-toi Tyr.
Tu n’as jamais réussi
a réconcilier deux adversaires.
N’oublie pas cette main droite
Que le loup Fenrir t’a arrachée
Un texte ésotérique, mystérieux complètement hermétique.
Pierre Benghozi explique qu'il a choisi la mythologie scandinave, d’abord parce qu’on est en Norvège et d’autre part ces noms sont connus de la jeunesse qui regarde Games of thrones. Une mythologie plus présente que la mythologie grecque ou autre. Il a choisi Loki, un personnage qui pourrait parler aux enfants qui voient la torture infligée à Nils.
Petit à petit les enfants vont comprendre la situation, accepter l’effort de l’apprentissage et prendre conscience de la portée du langage, des mots. Les mots qui sont le bien que les hommes ont en commun et c’est par les mots que les cinq cancres vont prendre conscience qu’ils appartiennent à une communauté. Et ils acceptent de faire la mission qui leur est confiée, se sentant investis d’une responsabilité, prenant ainsi conscience de leur appartenance à une communauté où la force de la civilisation s’oppose à la barbarie nazie.
Les amener « à ce lieu de l’esprit où ni peur ni douleur ne pouvaient pénétrer. »
De meute ils étaient devenus des personnes libres et responsables. Pour la première fois de leur courte existence, ils avaient l’impression d’avoir accompli quelque chose de bien sans avoir trahi pour autant leur nature sauvage.
Le moment de la rencontre aven Colette et Cécile
Le style :
Beaucoup d’images, un style cinématographique. Pierre Benghozi préfèrerait que son livre devienne une pièce de théâtre plutôt qu’un film, une pièce de théâtre avec des enfants qui seraient sur une scène tous les soirs, ce qui n'est pas très courant.
Le message que le livre délivre est résumé par le mot résistance. L’importance du langage est souligné, le langage ou plutôt la poésie qui fait taire l’envie de se battre. Les mots sont plus puissants que la force. Le poème est difficilement compréhensible parce que plein de références et pourtant il les transforme rien qu’en le lisant. Le sens pris par le poème c’est qu’il contient un message pour le résistant extérieur et c’est ce qui les réveille tous les cinq.
La méthode d’apprentissage pour apprendre un texte par cœur est celle de « Lire contre Ecrire », méthode employée par l’institutrice pour faire apprendre le poème aux enfants : un lecteur lit le texte et les autres enfants écrivent le plus vite possible ce qu’ils entendent. Puis normalement les rôles sont inversés mais ici dans le livre c’est toujours Nils qui lit le poème parce qu’il ne peut écrire ayant été torturé par les Allemands. Ils sauront par cœur le poème à partir du moment où ils vont écrire plus vite que ne lit Nils qui doit toujours garder le même rythme.
Un huis-clos violent qui interroge.
La fin de la rencontre
Pierre, Colette et Simone, après la rencontre