Michel Moutot a répondu aux questions posées par Colette et Claudine de l'Association Littera05. En voici un résumé.
Colette raconte d’abord sa rencontre avec Michel Moutot lors du festival du premier roman à Chambéry, l’année dernière.
Journaliste à l’AFP depuis 1985, Michel Moutot a couvert de nombreux conflits, au Liban, en Bosnie, au Kosovo, au Kenya, en Albanie, en Serbie …Il est nommé correspondant à New York où il se trouve le 11 septembre 2001. Il est actuellement à Paris, spécialiste des questions internationales du terrorisme. A reçu le prix Albert Londres en 1999 pour la qualité de ses reportages sur le Kosovo. Son livre « Ciel d’acier », pour lequel il était invité par l'association Littera, a reçu le prix des lecteurs du Point.
Ciel d’acier - Ed. Arléa, 2015 -
A la demande de Claudine, Michel Moutot lit un passage du roman qui montre les premières images de la catastrophe.
Puis Claudine lui demande de dire comment il a vécu la catastrophe. Il a passé sept semaines à Ground Zero où il se rendait tous les matins pour dire tout ce qu’il voyait, dans ses articles à l’AFP. Il a tout de suite remarqué la présence de ces hommes qui découpaient les poutres enchevêtrées au chalumeau, et a su que c'étaient des Indiens Mohawks venus de leur réserve de Kahnawake, au Canada. L’idée du roman a germé plus tard. Il avait vu une exposition à Manhattan sur les Indiens Mohawks, qui montrait comment ils avaient construit l’Amérique, ses gratte-ciel, ses ponts. C’est à la sortie de cette exposition qu’il a eu envie de faire un roman sur les Mohawks et qu’il a gardé cette idée en tête. Il a écrit avec Nicolas Dubreuil « Aventurier des glaces » et ce travail lui a fait découvrir qu’il aimait cette écriture différente de l’écriture journalistique. Il avait mis six mois pour écrire « Aventurier des glaces » et il mettra deux ans et demi pour « Ciel d’acier ».
Michel Moutot parle des Mohawks qui sont donc les ironworkers qui construisent et démolissent les gratte-ciel. Quand les twin towers se sont effondrées, les anciens de la tribu ont lancé un appel pour dire aux jeunes qu’ils devaient rejoindre New York parce qu’on avait besoin d’eux pour découper et extraire les poutres d’acier qui formaient le squelette des tours. Michel Moutot a rencontré trois des anciens qui avaient construit les tours dans les années 70 ; ils lui ont dit combien ils étaient fiers d’avoir construit ces tours qui étaient devenues leur patrimoine. C’étaient leurs tours. « Ces tours, elles sont à nous ». Ils ont acquis un savoir-faire, des compétences qui leur sont reconnus, ce qui leur a donné un statut particulier. Ce sont les seuls Indiens d’Amérique qui ont su s’adapter à ce monde des Blancs qui leur a été imposé. Ils ont vu arriver Jacques Cartier et pendant les guerres franco-anglaises, ils se sont alliés aux Anglais. Les Français étaient alliés aux Burons qui ont été massacrés. Les Mohawks sont devenus convoyeurs sur le St Laurent, puis ils ont su s’adapter au modernisme. Ils ont accepté la construction d’un pont sur le St Laurent qui passait dans leur réserve à condition que leurs jeunes soient embauchés. Au départ ils ont un talent de charpentier qu’ils ont adapté aux charpentes d’acier. Puis leurs compétences ayant été reconnues, ils ont ensuite été embauchés pour construire d'autres ponts et des gratte-ciel.
Dans son roman, Michel Moutot démolit la légende selon laquelle les Mohawks sont réputés pour ne pas connaître le vertige. En fait, le vertige, ils l'ont comme les autres, mais ils sont parvenus à l'amadouer, à l'apprivoiser et donc à le surmonter. Ce n'est donc pas un don particulier.
C’est un roman polyphonique avec une alternance de chapitres qui nous fait voyager dans le temps, avec les générations précédentes, de 1886 à nos jours. Les chapitres s’emboitent comme avec un puzzle. Michel Moutot insiste sur le fait que tout ce qu’il raconte dans son livre est la réalité mais qu’il a inventé tous ses personnages.
C’est un livre particulièrement bien documenté. Pour accumuler cette documentation, Michel Moutot a rencontré des Mohawks qui lui ont raconté comment ils sont devenus des ironworkers reconnus; il a lu beaucoup de livres sur l'histoire de cette tribu, a visité le musée qui leur est consacré.
Dès les premières pages du livre, on remarque l’écriture de journaliste de Michel Moutot. La transition était toute trouvée pour Colette qui allait, dans une deuxième partie, interviewer Michel Moutot sur son travail de reporter.
Plusieurs sujets internationaux ont été abordés : l’élection de Donald Trump aux Etats Unis, manifestation de la colère des gens du MiddleWest des Etats-Unis ; la guerre d’Irak et la responsabilité de Bush sur les conséquences désastreuses de cette guerre ; les leçons du 11 septembre ; le djihadisme et la question de son éradication ; le terrorisme international ; les phénomènes migratoires et plus spécialement aux Etats-Unis …
La rencontre se termine avec des questions posées par des auditeurs dont les réponses complètent la découverte du livre, avec des détails sur ce qui s’est passé le 11 septembre, sur la vie et les traditions des Mohawks, leur rôle joué à Ground Zero, des sujets qui ont particulièrement intéressé les lecteurs.