Les personnages :
Dan : Remontant dans son passé, on va la découvrir peu à peu. Elle a oublié son nom, elle que l’on a toujours appelée « la fille de la route ». Figure de l’anti-héros, fragile et vulnérable. Catherine Gucher ayant travaillé de nombreuses années dans le milieu social, elle a rencontré des êtres marqués par l’existence, qui portent en eux des cicatrices visibles ou invisibles, qui ont l’aptitude à tracer un chemin parfois en dehors des normes mais qui vont de l’avant.
Tommy : avec qui Dan a une sorte de danse amoureuse. C’est un Indien, un homme balafré, porteur lui aussi d’une cicatrice, qui a vécu quelque chose de difficile. C’est quelqu’un qui marche sans faire de bruit et qui avance dans la vie sans effraction. C’est pourquoi Dan accepte que cet homme l’apprivoise. Ils ont en commun la blessure et leur marginalité. Ils ont en eux une sorte d’espoir qui leur permet d’imaginer qu’un avenir est possible.
Le lieu : le Colorado
Le Colorado faisant partie de l’imaginaire de son enfance, Catherine Gucher a voulu montrer le côté métaphorique de cet état : les espaces infinis, les couleurs et l’idée de liberté. On imagine les pionniers arrivant sur une terre aride où tout serait à conquérir. Il y a une sorte de dialectique entre cette espérance que dans la liberté tout peut s’inventer, et d’un autre côté le poids de cette liberté. Dan est détachée d’un certain nombre de contraintes sociales ce qui lui permet d’être libre mais en même temps cette liberté l’enferme, l’angoisse et il est difficile pour elle de trouver un chemin. Dans les grands espaces comme le Colrado il y a cette forme de liberté mais aussi des contraintes qui vont avec : climatiques, météorologiques… De plus dans ces grands espaces, vivent des communautés très fermées, repliées sur elles-mêmes avec leurs règles, les Amish par exemple.
Le bus transcolorado :
Un personnage à part entière. C’est dans le bus que Dan se fabrique une réflexion sur ce qu’est sa vie. C’est un lieu clos où on peut se laisser aller, dormir. La bus la rassure, contient ses peurs, ses angoisses et lui permet d’aller vers un possible.
Le hasard :
Nous sommes le produit de notre histoire, de notre milieu, des paysages dans lesquels nous vivons et si nous avons une part de liberté, elle est assez modeste cependant, vu les contraintes et les déterminismes qui pèsent sur nous. Et la chance a toute sa place dans cette affaire-là.
Dan a deux repères dans sa vie :
- Ses relations avec son père : Dan a avec son père une relation profonde telle qu’elle peut se vivre dans des milieux où la parole est rare.
C’est une famille où tout ne passe pas par la parole mais par le fait de vivre ensemble, de faire des choses ensemble, de se les transmettre. Mais ce père ne peut pas la protéger de ce qui peut être difficile et traumatique pour elle
- La religion : Il vaut mieux faire comme si Dieu existait au cas où.
Catherine Gucher porte des accusations contre les Amish qu’elle considère comme une secte : privation de liberté, d’individualité qu’ils imposent, non-respect des individus dans leur singularité : tous reproches qu’elle pourrait porter contre n’importe quelle secte.
Dan pense pouvoir trouver auprès des Amish une nouvelle famille mais elle va découvrir la place que le Seigneur a assignée à la femme, ce qui va la faire réagir violemment. Comme elle refuse son identité féminine, elle va se protéger en s’habillant avec des vêtements masculins : jeans, rangers, bottes avec lame de couteau à l’intérieur …Devenir une femme et en porter les vêtements, c’est s’exposer à des formes de violence. Ce roman est un roman d’initiation où Dan apprivoise peu à peu son identité de femme.
La fin du livre semble donner un message d’espoir :
C’est une histoire de résilience. Après tous les traumatismes subis, il y a comme un chemin de crête, très étroit et dangereux, mais qui peut s’ouvrir pour peu qu’on fasse la bonne rencontre et qu’on trouve des appuis suffisants pour garder au fond de soi cet espoir. Et Dan c’est sur les chevaux et la nature qu’elle va s’appuyer pour retrouver confiance et dépasser la douleur de ses traumatismes.
L'écologie :
Les personnages peuvent être vus comme des écologistes, ce qui n’était pas l’idée de Catherine Gucher au départ de son livre. Ce qu’elle sait c’est qu’ils sont très attachés à la vie sauvage et animale et qu’ils partagent avec les animaux une sorte d’instinct. Il y a chez eux cet attachement très fort à cette vie qui représente une forme de pureté ou de virginité qui est peut être en train de disparaître. A travers le processus de développement contemporain, on peut condamner certaines populations à l’invisibilité et même à leur disparition. Préoccupation essentielle, nous alerte Catherine Gucher.
L’écriture :
Lorsque la parole est vidée de tous ses artifices et qu’elle est réduite à se plus simple expression et à la plus grande sobriété, ce qui s’exprime alors est d’une profonde densité et on est là au cœur des choses, là où les mots pourraient être superflus. Comment faire pour écrire le silence ? Question que Catherine Gucher s’est longuement posée. Comment s’approcher de l’indicible ? La poésie peut être un outil.