Franck Pavloff est un romancier français, né en 1940
Spécialiste de la psychologie et du droit des enfants, il a travaillé de nombreuses années en Afrique et en Asie en tant que chargé de mission auprès du ministère de la Coopération, avant de travailler pour le tribunal de grande instance de Grenoble. Educateur de rue et responsable d'une association de prévention de la toxicomanie et de la délinquance, il partageait ses activités entre l'écriture et la justice.
Franck Pavloff se définit comme un « écrivain de l'ailleurs », qui rend compte des exils intérieurs ou géographiques que les guerres, les drames, la corruption, le cynisme et l'intolérance ont engendrés.
Il a publié aux éditions Albin Michel
- Menace sur la ville (1998),
- Haute est la tour (2003),
- Le Pont de Ran Mositar (2005), Prix France Télévision,
- La chapelle des apparences (2007),
- Le Grand Exil (2009), Prix Littéraire des Grands Espaces
- L'Homme à la carrure d'ours (2012), Prix Lettres frontière.
- L’Enfant des marges, Albin Michel, 2014
Matin brun, sa fable grinçante publiée au départ chez un éditeur de poésie a connu un immense succès (2 millions d'exemplaires). Elle est traduite dans 25 pays (dont l'Inde, la Russie et le Japon). La dernière traduction vient de paraître, elle est chinoise.
Franck Pavloff a dirigé la collection « Souris Noire » aux éditions Syros et il est maintenant directeur de collection Albin Michel Jeunesse.
Matin brun – 1998 (Nouvelle édition avec peintures de rues, 2014)
Le pays de Charlie et son ami fait face à la montée d’un nouveau régime politique : l’Etat brun. Celui-ci interdit la possession d’animaux d’un autre pelage que le brun. Bien que peinés, Charlie et son ami se plient à la règle : ils se séparent un de son chat, l’autre de son chien pour en prendre des bruns. Ils obéissent pour être tranquilles. Mais le nouveau régime ne compte pas s’arrêter là. Après l’interdiction des animaux autres que bruns, c’est la censure de la presse. Le journal du coin est interdit, des livres sont retirés des bibliothèques. Et les deux amis ne réagissent toujours pas. Jusqu’au jour où l’ami de Charlie est arrêté. Et il apprend que sont susceptibles d’être arrêtées toutes les personnes dont la famille a déjà eu affaire à un chien non conforme.
Charlie rentre chez lui et commence à se poser des questions. Et un jour au petit matin, il est réveillé par des coups frappés à la porte …
Voici un livre très court (11 pages) mais qui réussit en peu de mots à faire passer un grand message. A l’image de « 1984 » d’Orwell, il montre comment un régime totalitaire peut se mettre en place rapidement pour peu que l’on ne fasse pas trop attention ou que, par peur ou par soumission, nous nous plions trop rapidement aux nouvelles règles établies. Il est assez remarquable d’avoir réussi ce défi en si peu de pages d’autant plus que l’on voit les différentes étapes de l’oppression
Franck Pavloff devant son public de Gap
L’œuvre exigeante de Franck Pavloff est habitée par l’exil et la quête, surtout dans deux romans :
- Le Grand Exil (2009),
Le récit fait se croiser plusieurs destins, plusieurs personnages hauts en couleur.
Tout d’abord, Tchaka qui arrive dont ne sait où et se fait engager comme jardinier chez l’une des plus grosses familles d’Equateur. Il semble à l’écoute des signes et guette l’éruption imminente du volcan. Son chemin va croiser celui de Lucia qui a le projet fou de se mettre en travers du trafic des passeurs. En effet, nombreux sont les gens désireux de tenter leur chance dans des pays moins hostiles et qui sont prêts à s’endetter au-delà de toute raison pour pouvoir fuir leur pays. Selmo est un jeune homme du coin et il va se retrouver embarqué dans l’ambitieux projet de Lucia qui est d’aider gratuitement les candidats à un monde meilleur en les emmenant dans son ULM.
Il y a dans ce roman trois types d’exil :
1) La question des migrations clandestines est le grand thème du livre, et Franck Pavloff décrit ce qui est un nouvel esclavage, les méthodes violentes des réseaux mafieux, comment les clandestins se font dépouiller et perdent leurs espoirs de parvenir dans un monde meilleur. C’est la misère qui les contraint à partir.
(lecture p.28) C’est un passage qui montre bien les désillusions de ceux qui partent. Plus tragique que les désillusions, il y a les tragédies en mer (lecture p.71)
Et puis il y a ceux qui restent (lecture p.163)
2) Ceux qui doivent fuir parce que face à eux des forces, des événements font qu’ils n’ont pas le choix. Dans le livre c’est l’éruption du volcan (métaphore du danger qui guette) qui les force à partir pour se sauver et sauver les enfants (l’enfant qui est sauvé à la fin qui représente l’espoir d’une vie qui recommence).
Ce livre écrit en 2009, on ne peut que l’ouvrir sur les événements actuels, les émigrés et les clandestins d’aujourd’hui. Il y a des passages qui pourraient évoquer l’errance des exilés actuels .( Lecture p.210)
3) Ceux dont l’exil est intérieur, à la recherche d’une quête de soi : L’origine de cette quête est bien souvent un deuil : Tchaka dans « le grand exil » vient de nulle part mais sont évoqués une femme perdue, un enfant. L’impossibilité d’oublier, la souffrance toujours présente font naître le désir de partir, d’aller chercher ailleurs un apaisement.
Même chose pour Ioan dans « L’enfant des marges »
L’enfant des marges – 2014
Un homme part à la recherche de son petit-fils adolescent. . Lui-même a tout quitté après la disparition de son fils en mer : sa solitude, la paix et l’oubli qu’il croyait avoir trouvés au fin fond des Cévennes, en effaçant ses souvenirs. Il va découvrir Barcelone en crise, ses squats et ses marginaux, ses indignés qui se révoltent et refusent le monde tel qu’on leur a imposé jusqu’alors. Renaissent aussi les cicatrices de la guerre civile à laquelle son père a participé (de quel côté ?)
Ioan va rencontrer sa propre histoire et il va enfin s’en libérer. Il va suivre le conseil de son ami laissé dans les Cévennes qui lui a dit qu’il ne trouvera la paix qu’en s’ouvrant aux autres.
Dans une Barcelone étourdie par la crise, vibrante de toute l’énergie d’une jeunesse qui refuse le monde tel qu’il est, un homme part à la recherche de son petit-fils adolescent. Lui-même a tout quitté : sa solitude, la paix et l’oubli qu’il croyait avoir trouvés au fin fond des Cévennes. Et voici que dans la capitale catalane bruyante et révoltée, où plane l’ombre des combattants de 36, c’est sa propre histoire qu’il rencontre et dont il peut enfin se libérer.
L’œuvre exigeante de Franck Pavloff, habitée par l’exil et la quête, révèle ici une dimension inédite. Un récit intime et singulier, qui parle d’errance et de renaissance, une émouvante ode à la vie.
Franck Pavloff nous parle longuement des personnages, de Ioan bien sûr mais aussi des femmes, personnages tellement forts dans ce roman :
Laia, une handicapée dont les parents ont été torturés dans les prisons franquistes, Palita, une équatorienne restauratrice de céramiques à la cathédrale de la Sagrada Familia. Chacune a ses cicatrices que Ioan finit par comprendre, peut-être sous la bienveillance de Justin qui l’encourageait toujours à s’ouvrir aux autres.
Puis il évoque
Barcelone, La Rabassada, haut lieu de fusillade de républicains par des traitres franquistes et surtout la cathédrale de la Sagrada Familial de Gaudi.
Avec
les jeunes indignés de Barcelone, les insoumis, Ioan apprend à faire le deuil du père et du fils à la fois. C’est une histoire où on passe de l’errance à la renaissance (Est-ce l'histoire de Franck Pavloff lui-même ?)
Ioan n'oubliera pas le conseil de Justin, son voisin des Cévennes : " Bon sang petit, accepte que quelqu’un ait besoin de toi, sors de ta prison des murets, comprends que tu peux aussi donner, ça épongera ta peine, c’est même le seul remède pour la soulager, donne au lieu de quémander et tu deviendras plus libre qu’un prince. "
Franck Pavloff et une de ses lectrices de Gap