Pérégrinations littéraires 2022 -2023
Les peregrinations littéraires vont continuer aucours de l'année 2022-2023 .
Une pérégrination littéraire est un rendez-vous qui associe la marche et les mots.
Nous partons pour une balade de deux ou trois heures qui est coupée par des lectures.
Chacun à son tour lit un passage d'un livre en résonance avec un thème donné, ou vient
seulement écouter les autres, s'il n'a pas envie de lire.
Le programme vous est communiqué au fur et à mesure de chaque pérégrination
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Pérégrination littéraire : la colline de Puymaure
7/5/2023 - 9h
RV : panneau du sentier rue Jean Macé, juste en dessous de l’Ecole de Puymaure, stationnement le long de la rue Jean Macé à droite en descendant ou parking des 3 fontaines.
Parcours en forêt (100 m de dénivelé)
Possibilité pour les personnes qui ne souhaitent pas faire la montée à pied de les retrouver sur le banc (3), un parking est à leur disposition en haut de la colline (route de Chabanas puis chemin de Puymaure), l’accès au site se fait alors en continuant à pied sur la route après le portail.
Lectures lors des points d’arrêt :
- Dans la montée (en fonction de la demande)
- Point de vue sur la ville en haut de la montée
- Banc en haut à l’arrivée
- Point de vue sur les montagnes à Est
- L’arbre vu par le dessus
- Tables Lesdiguières
- Totem dans la descente
- Campus des 3 Fontaines (possibilité pique-nique)
thème : “chevaliers, amazones, châteaux et vieilles pierres”.
Les guérillères de Monique Wittig
Elles disent qu’elles ont appris à compter sur leurs propres forces
Elles disent qu’elles savent ce qu’ensemble elles signifient
Elles disent que celles qui revendiquent un langage nouveau apprennent d’abord la violence
Elles disent, que celles qui veulent transformer le monde s’emparent avant tout des fusils.
Elles disent qu’elles partent de zéro.
Elles disent que c’est un monde nouveau qui commence.
Elles disent, je serai l'Attila de ces féroces despotes, causes de nos pleurs et de nos souffrances. Elles disent, et quand par bonheur toutes voudront se rallier à moi, chacune sera Néron également et mettra le feu dans Rome.
Elles disent, guerre, à moi.
Elles disent, guerre, en avant.
Elles disent qu'une fois qu'elles auront les armes à la main elles ne les abandonneront pas.
Elles disent qu'elles secoueront le monde comme la foudre et le tonnerre.
Elles parlent ensemble du danger qu'elles ont été pour le pouvoir, elles racontent comment on les a brûlées sur des bûchers pour les empêcher à l'avenir de s'assembler. Elles ont pu commander aux tempêtes, faire sombrer des flottes, défaire des armées. Elles ont été maîtresses des poisons des vents des volontés. [...] Leur puissance conjuguée a menacé les hiérarchies les systèmes de gouvernement les autorités. Leur savoir a rivalisé avec succès avec le savoir officiel auquel elles n'ont pas eu accès, il l'a mis au défi, il l'a pris en défaut, il l'a menacé, il l'a fait paraître inefficace. Aucune police n'a été trop puissante pour les traquer, aucune délation trop opportuniste, aucun supplice trop brutal, aucune armée n'a paru trop disproportionnée en force pour s'attaquer à elles une par une et les détruire.
Elles me disent
Les couleurs du jour et de la nuit
Les nuances de femmes, leurs auréoles
Les senteurs, les saveurs, Les Échos
Les ombres, les vibrations, les tremblements
Elles me disent
Les silences, le O, le zéro, le cercle
La phrase, la poésie, les féminaires
Le chant, la voix, la répétition
La lune, les fleurs, les tambours
Elles me disent
L'histoire, les oppresseurs, le combat
Les efforts, la détermination, la vaillance
La colère, la rage, la prison, le piège
Les loups, les armes le chaos et la fureur
Elles me disent
Leurs prénoms de femmes
Précieux comme des talismans
Elles portent le mien, celui de ma fille
De ma cousine, de ma voisine, de mon amie
De toutes les Soeurs que je serai amenée
À connaître, à aimer, à invoquer, à aider
Dans le cercle émancipateur de la Sororité
Qu'elles imaginent, forgent, protègent
Défendent, espèrent, construisent…
Elles me disent
Et j'écoute avec attention
Les Guérillèrres, ces déesses
La violence qu'elles revendiquent
La poésie qu'elles soutiennent
La liberté qu'elles portent aux nues
La justice qu'elles conditionnent
Le féminin qu'elles incarnent
La force qu'elles possèdent
Les lendemains qu'elles travaillent
Le nouveau point zéro qui commence
Et mon coeur vibre, palpite, tambourine
S'éprend de tous leurs mots, leurs beautés
Leurs puissances, leurs possibles, leurs Chaleurs, leurs jouissances, leurs volontés
Et de tout coeur et âme, je chante avec Elles!
Les amazones
Dans la mythologie grecque, les Amazones étaient des guerrières légendaires qui occupaient le pourtour de la mer Noire et les terres plus à l'est. Les plus grands héros grecs ont prouvé leur bravoure en affrontant d'illustres Amazones dans plusieurs mythes célèbres. Par exemple, le légendaire fondateur d'Athènes, Thésée, est sorti triomphant d'un duel contre l'Amazone Antiope. Pour accomplir le neuvième de ses douze travaux, Hercule a dû rapporter la ceinture dorée d'Hippolyte, reine des Amazones. La mythique guerre de Troie a vu s'affronter au corps-à-corps le champion grec Achille et la valeureuse Amazone Penthésilée.
Les Grecs considéraient les Amazones comme étant les « égales des hommes », aussi courageuses et qualifiées au combat que leurs homologues masculins. Dans l'art et la littérature de la Grèce antique, les Amazones étaient présentées comme de belles et vaillantes guerrières, toujours armées et dangereuses. Avant même que L'Iliadene soit écrite par Homère (vers 700 avant notre ère), chaque homme, femme ou enfant du pays connaissait l'histoire fascinante des Amazones.
Amazone de Renée Vivien
L’amazone sourit au-dessus des ruines,
Tandis que le soleil, las de luttes, s’endort.
La volupté du meurtre a gonflé ses narines :
Elle exulte, amoureuse étrange de la mort.
Elle aime les amants qui lui donnent l’ivresse
De leur fauve agonie et de leur fier trépas,
Et, méprisant le miel de la mièvre caresse,
Les coupes sans horreur ne la contentent pas.
Son désir, défaillant sur quelque bouche blême
Dont il sait arracher le baiser sans retour,
Se penche avec ardeur sur le spasme suprême,
Plus terrible et plus beau que le spasme d’amour.
Le combat fantastique de Francis Etienne Sicard
Voilà deux Samouraïs, enlacés dans le sang,
Qui brûlent leurs paupières et tachent leurs peaux
De plaies, tranchant les chairs rompues jusque au noyau,
D’un éclair aiguisé comme un rasoir dormant.
Ils jurent, écoutez-les, en se dévorant,
Des paroles magiques lues sur les caveaux
De barons dévoués aux cultes ancestraux,
Avant que ne tombât, malgré leurs mains, le gant.
Sur le mur du clos, froissée, ne voyez-vous pas
Cette robe de soie qui palpite et qui bat
D’un cœur rompant le souffle aux ossements des yeux?
Or, si vous le vouliez, vous remarqueriez là,
Une femme à genoux, transpirant les grenats
D’un rosaire alourdi par les remous du feu.
Une gravure fantastique de Charles Baudelaire
Ce spectre singulier n’a pour toute toilette,
Grotesquement campé sur son front de squelette,
Qu’un diadème affreux sentant le carnaval.
Sans éperons, sans fouet, il essouffle un cheval,
Fantôme comme lui, rosse apocalyptique
Qui bave des naseaux comme un épileptique.
Au travers de l’espace ils s’enfoncent tous deux,
Et foulent l’infini d’un sabot hasardeux.
Le cavalier promène un sabre qui flamboie
Sur les foules sans nom que sa monture broie,
Et parcourt, comme un prince inspectant sa maison,
Le cimetière immense et froid, sans horizon,
Où gisent, aux lueurs d’un soleil blanc et terne,
Les peuples de l’histoire ancienne et moderne
Découverte de Guy de Maupassant
J’étais enfant. J’aimais les grands combats,
Les Chevaliers et leur pesante armure,
Et tous les preux qui tombèrent là-bas
Pour racheter la Sainte Sépulture.
L’Anglais Richard faisait battre mon coeur
Et je l’aimais, quand après ses conquêtes
Il revenait, et que son bras vainqueur
Avait coupé tout un collier de têtes.
D’une Beauté je prenais les couleurs,
Une baguette était mon cimeterre ;
Puis je partais à la guerre des fleurs
Et des bourgeons dont je jonchais la terre.
Je possédais au vent libre des cieux
Un banc de mousse où s’élevait mon trône ;
Je méprisais les rois ambitieux,
Des rameaux verts j’avais fait ma couronne.
J’étais heureux et ravi. Mais un jour
Je vis venir une jeune compagne.
J’offris mon coeur, mon royaume et ma cour,
Et les châteaux que j’avais en Espagne.
Elle s’assit sous les marronniers verts ;
Or je crus voir, tant je la trouvais belle,
Dans ses yeux bleus comme un autre univers,
Et je restai tout songeur auprès d’elle.
Pourquoi laisser mon rêve et ma gaieté
En regardant cette fillette blonde ?
Pourquoi Colomb fut-il si tourmenté
Quand, dans la brume, il entrevit un monde.
Le Chevalier et moi de Vlad Negrescu
Comment veux-tu que je commence cette histoire, ô grand chevalier avec ton épée si lourde ? Si lourde qu’elle ne me trancherait que la moitié de mon corps déjà pourri par l’insouciance qui me ronge nuit et jour.
C’est de ce rêve que je veux te parler. Celui que je n’aurais jamais, et pourtant il est là, gravé rudement dans mon antre et il est encore plus lourd que ton épée. D’une lourdeur agréable pourtant, qui se balance de ci, de la et qui me chuchote sensiblement, tout bas… que je suis tout ce qu’elle aurait pu désirer. Ce rêve est sans doute une femme me dis-je, connue autrefois et qui me disait qu’un beau jour nous serons les rois du paradis que l’on aura créé. Nous étions tous deux, assis dans l’herbe fraîche, entrelacs enlacés, regardant ton épée sortir de son fourreau. Elle tranchait le paysage, le déchirant, par un vent pur d’été.
Mais comment saurais-je réellement si c’est ce rêve même que j’ai rêvé ? Comme tant d’autres, il n’est que poussière dans le royaume de mon inconscient, blessé par ta lourde épée, ô grand chevalier. Sa lame froide, aussi froide que la mort avait maintenant souillé mon désir de rêves et de songes plus que jamais. Mais ce doux sommeil qui lui aussi devient lourd, entraînant et voluptueux, me guide vers un lieu loin d’ici où nulle lame n’existerait, point d’épées, ni de chevaliers.
Extrait de Neverhome de Laird Hunt
J’étais forte, lui pas, ce fut donc moi qui partis au combat pour défendre la République. Je franchis la frontière, quittant l’Indiana pour l’Ohio. Vingt dollars, deux sandwiches au petit salé accompagnés de biscuits, de corned-beef, de six pommes flétries, de sous vêtements propres et aussi d’une couverture. Il y avait de la chaleur dans l’air donc je me mis en marche en bras de chemise, le chapeau bien enfoncé sur les yeux. Je n’étais pas la seule à chercher à m’engager et, au bout d’un moment, nous étions toute une troupe. Les fermiers nous acclamaient au passage. Nous donnaient à manger. Leur meilleure place à l’ombre pour nous reposer. Ils jouaient pour nous de leurs violons : enfin tout ce que vous avez entendu dire sur les commencements, même si un an déjà avait passé depuis Fort Sumter, et que la première bataille de Bull Run avait eu lieu, que Shiloh avait emporté son lot d’âmes, et que c’en était fini des commencements, et pour de bon.
La dixième ou onzième nuit passée sur la route, on but du whisky et on brailla sous les étoiles. Il y eut une course à pied. Du lancer de couteaux. Un concours à qui avalerait le plus de biscuits. A qui était le plus fort. L’un des gars essaya de me défier au bras de fer et eut la main écorchée quand je la plaquai contre la table. Aucun des autres ne tenta sa chance.
Il y eu bien, aux abords de Kettering, cette vieille femme qui, ayant tiré pour moi de l’eau de son puits, me regarda avec insistance tout en me tendant la tasse et me dit de faire attention à moi. A part elle, nul ne vit ce que j’étais. Je dormis tout simplement comme une souche le temps que dura cette marche. J’envoyai ma première lettre à Bartholomew depuis Dayton. Je lui envoyai à peu près la même depuis Cincinnati. Je lui écrivais qu’il me manquait terriblement. Que j’étais terriblement heureuse aussi.