À Losonc, quelque part en Slovaquie, près de la frontière hongroise, deux enfants de huit ans, Léviathan fils de bonne famille, et Kápia livré à lui-même et à la rue, deviennent les meilleurs amis du monde. L’un obèse, poussé par son grand père à écrire des histoires, l’autre sec, graine de voyou, voit son père alcoolique s’enfermer dans un placard pour éviter de le rouer de coups. Ce sont deux mauvais garçons qui font les quatre cents coups, ne craignent pas les adultes et font souffrir les plus faibles à l’école et dans la rue. « Kapia me révéla un jour sa théorie sur les bons et les méchants. Kápia fermait l’œil gauche et regardait le monde environnant… Ceux qui ne se déformaient pas sur la rétine de l’œil entrouvert étaient bons et n’avaient pas besoin d’être rossés à titre préventif…Quand je lui demandais s’il s’était déjà mis devant un miroir en clignant de l’œil, il ne répondait pas. » Même si leur éducation les sépare, la force de leur amour les rend attachants même si leurs exactions prêtent à réfléchir sur les mœurs du pays.
Ce roman s’ancre dans une ville imaginaire, Losonc, où l’on rencontre les problèmes des invasions et guerres en fond historique induites par la proximité de la Hongrie et la création de l’Empire Austro-Hongrois, et où, entre légendes racontées par la grand-mère de l’un, comme celle de serpents noirs qui agonisent quand la rivière noircit et devient frontière, et les histoires d’objets comme celle du couteau à la lame violette et parfumée forgé il y a bien longtemps par un amoureux original que possédait l’autre, le récit est parsemé d’anecdotes riches d’une culture slovaque très colorée.
Peter Balko raconte, à l’aide de personnages mythiques inventés et d’objets symboliques, l’histoire de la Slovaquie traditionnelle dominée par les Hongrois puis envahie par les Allemands. Le regard extérieur et le ton léger composent une fiction vive, parfois baroque, où l’amitié indéfectible de deux enfants de huit ans a une place de choix. Le regard extérieur, la plume légère dans la description des faits donne au tragique des allures de fiction et renforce l’absurdité de ce siècle.
(Présentation : Annie Contin)