Sacha Filipenko est un jeune auteur biélorusse dissident qui a dû s’exiler pour éviter la prison.
Ses livres ont d’abord été salués par la critique, «Un fils perdu » a reçu un prestigieux prix littéraire en Russie avant d’être interdit. Un roman annonciateur de la situation politique en Biélorussie aujourd’hui. Dans son avant-propos, Filipenko écrit : « Tout ce que j’espère sincèrement, c’est qu’un jour, dans mon pays, ce livre cessera d’être d’actualité… »
"Un fils perdu", paru aux éditions Noir sur Blanc est son troisième roman traduit en français après « Croix rouges » et « La Traque ».
Le fils perdu, c’est Francysk, 16 ans, qui étudie la musique tout en essayant d’échapper à la surveillance étroite de sa grand-mère, protectrice et aimante. Un évènement tragique, il se trouve pris dans un mouvement de foule qui le bloque dans les bouches du métro, le plonge dans le coma. La description de cette bousculade, qui a réellement eu lieu à Minsk en 1999, est stupéfiante de réalisme et de tension.
Condamné par la médecine, abandonné par sa mère et ses amis, il survit grâce à la ténacité, à la force de persuasion, à l’amour désintéressé et absolu de sa grand-mère qui prend soin de lui, va le veiller et l’accompagner tout au long de ses 10 années d’hospitalisation. Elle ira même jusqu’à s’installer dans sa chambre, elle lui parle, le tient informé, lui raconte avec force détails ce qui se passe à l’extérieur, l'actualité, les guerres, l'histoire du pays et expérimente toutes les possibilités de le faire revenir à lui.
Lorsqu’elle se taira, ce sera lui qui se réveillera pour constater que la vie de ses proches a changé mais la situation sociale et politique du pays est presque identique, 10 années d’absence, de profond coma, et le monde autour de lui semble avoir été également figé. Avec un de ses amis, il tente de comprendre.
Ce livre soulève de nombreuses questions.
Qui est le fils perdu ? Francysk ? Sacha Filipenko ? Les biélorusses, orphelins de leur pays ? Une photographie de l’époque ? Du futur ? Que faire ? Se résigner ou se battre ? Comment, avec qui ?
Comme le confirme Sacha Filipenko « l’histoire est une arme de manipulation du peuple biélorusse ». « je l'ai senti dans ma propre famille. Mon grand-père était un général dans l'aviation et on a grandi en se sentant les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale. Nous avions sauvé le monde et étions le bien absolu qui a vaincu le mal absolu. Mais en travaillant sur les archives, je me suis rendu compte que les choses n'étaient pas si évidentes. Et quand on comprend que quand les troupes russes sont entrées en Allemagne et ont libéré les camps de concentration, elles ont pris les planches des baraques de Buchenwald pour reconstruire des baraques pour le goulag, comme chez Ikea, on se demande si c'est vraiment le bien qui a vaincu le mal ou si c'est un mal qui a vaincu un autre mal ».
(Présentation : Simone Delorme)