Bernard a été invité à la fête donnée pour les 60 ans de sa soeur Solange. De nombreux frères,
soeurs, cousins et amis sont là.. Tout va bien jusqu'à ce que Bernard offre à sa soeur un cadeau luxueux : une broche en or nacré. Comment Bernard a-t-il pu acheter un tel bijou alors qu'il vit comme un clochard, aux crochets des autres qui lui font la charité de vêtements usagés et de nourriture quotidienne ? Solange, pourtant proche de son frère, ne veut pas de son cadeau et tous les autres lui manifestent leur mépris : ne l'appelle-t-on pas Feu-de-bois, un surnom dû à la mauvaise odeur qui lui colle à la peau ? Bernard voit rouge et jette des injures, en particulier à Chefraoui qu'il traite de bougnoule.
Cet incident va réveiller des rancoeurs cachées : "On ne sait ce que c'est qu'une histoire tant qu'on n'a pas soulevé celles qui sont dessous et qui sont les seules à compter, comme les fantômes, nos fantômes qui s'accumulent..." L'histoire qui est dessous, c'est la guerre d'Algérie. Le narrateur va nous entraîner des années en arrière avec de jeunes appelés parmi lesquels Bernard et le narrateur. On va revivre au présent les horreurs commises par les deux camps qui se font face, des horreurs faites par des hommes qui n'ont plus rien d'humain. "Quels sont les hommes qui peuvent faire ça ? Pas des hommes qui peuvent faire ça. Des hommes." Mais le rappel du passé est là surtout pour montrer la souffrance de l'après : c'est en fait un livre sur la guerre d'après, la guerre intérieure que les anciens appelés continuent à vivre dans le silence, parce que le cauchemar ne s'est pas terminé le jour où ils ont quitté l'Algérie.
Et ce qui compte surtout pour l'auteur, c'est la douleur des hommes qui ont vécu ça, de simples soldats, la douleur qui remonte du plus profond de leur mémoire, là où ils l'ont enfouie pour ne jamais en parler, même quand ils sont revenus en France. Et pourtant le narrateur qui, lui aussi, a vécu ces atrocités, se met à parler, à parler de la souffrance des uns et des autres, la même souffrance d'ailleurs.
La forme adoptée par Laurent Mauvignier, permet de dire à chacun ce qu'il a vécu, de passer d'un monologue à un autre. L'écriture est à l'image du sujet : pas de guillemets parce que c'est la voix de tous qui dit, un style haché qui donne l'impression d'un étouffement, des phrases inachevées, des mots isolés, des dialogues placés au milieu du texte pour traduire la difficulté de dire, de faire sortir les non-dits pour qu'enfin soit dévoilée la vérité de cette époque, une tragédie qui étouffe ceux qui l'ont vécue.