Quand j’ai eu fini de lire"La caverne des idées" j’ai eu envie de voir si son auteur était capable d’écrire autre chose. En lisant « La bouche » je n’ai pas été déçue !
Voici le début de ce tout petit livre (64 pages) qui est écrit d’une seule traite, sans même un point à la ligne :
« Personne n’a jamais appuyé sur une sonnette aussi terrible : je ne parle pas du son produit, mais de la pression en soi, du contact du bouton, personne n’a jamais ressenti la même chose que moi, mais en réalité ce fut une sensation logique, puisqu’il serait physiquement impossible de toucher la sonnette sans l’os, je veux dire que sans l’os notre doigt se tordrait sur le bouton comme un tube de caoutchouc, s’écraserait de façon ridicule ou s’introduirait en lui même comme un gant vide, il est donc d’une façon logique de supposer que la sonnette sonne au contact de l’os, que c’est mon squelette qui sonne à la porte,mais personne n’a jamais éprouvé une telle chose, et je fus peiné et surpris de constater que jusqu’à ce moment crucial on ignore ce qu’on est réellement et que la connaissance peut se produire comme ça , à l’improviste, tandis que la vibration électrique gêne encore l’oreille, que cela m’ait été révélé en cet instant trivial, que lorsque Galia ouvrit la porte j’étais déjà un autre…. »
Devant cette incroyable découverte : je suis mon squelette ou mon squelette EST moi, toute la vie du narrateur bascule et toutes ses certitudes s’envolent.
Un bel exercice de style, un vrai moment de bravoure et un livre qui ne se referme pas aussi facilement que l’apparente légereté du propos pourrait le laisser penser.
(Présentation : Elizabeth Thuriet)