Quelques mots d’un livre dont on parle beaucoup en ce moment et que je viens de terminer. Un énorme bouquin à défaut d’une œuvre énorme et c’est en tirant une grande révérence à son auteur que je l’ai abordé. Plus de six cent pages, que l’on a du mal à quitter une fois entamé, c’est une performance !
Goliarda Sapienza qui a mis dix années à l’écrire n’était plus là quand il a enfin été édité et elle avait essuyé moult refus, on se demande pourquoi… trop à lire, des idées qui dérangent, pourtant il vaut l’effort et le plaisir qu’on y prend.
C’est « L’art de la Joie » dont il s’agit, ouvrage traduit sorti en France en 2005, mais je dirais plutôt « l’art de la vie » tant c’est un apprentissage qui se fait au fil du temps, avec au début pour l’héroïne une volonté et une ambition démesurée pour sortir de sa condition, et petit à petit une réflexion, un sentiment de doute face à toute chose ainsi qu’une quête d’amour, comme dans la vie…
Œuvre démesurée aussi parce qu’y est peint tout un siècle et pas le moindre, le vingtième siècle, vu de la Sicile, espace plus ou moins protégé mais où tout peut s’y percevoir et s’y débattre et s’y comprendre et c’est un apprentissage encore de toutes les idées qui émanent, circulent et se battent, marxisme comme fascisme ou psychanalyse et que les personnages s’approprient.
C’est aussi un livre des excès dans les moyens qu’utilise Modesta, l’héroïne, pour arriver à décider de sa destinée et à la choisir, et elle peut tout aussi bien être immorale dans sa façon d’éliminer ceux qui la gênent, cruelle, méfiante envers les faibles, que juste et respectueuse des autres qui n’entravent pas sa liberté. C’est un excès aussi dans le rôle des parents ou religieuses soi-disant responsables des plus jeunes et qui en abusent, par autorité, force ou ruse. Et c’est encore un excès dans les aventures qui ponctuent les jours et les années de Modesta. A la fin du livre, elle doit bien avoir eu trois vies pour avoir vécu tant de choses. Bref, c’est une vraie héroïne dont il est question dans ce livre et si souvent on tremble avec elle, ou si l’on se réjouit de ce qui lui arrive, on ne peut s’identifier que par bribes et parfois même , on perd le fil, trop de personnages, trop de surnoms (ou alors c’est la traduction) trop de certitudes et pas assez de temps pour les assimiler.
Pour conclure, ce roman, d’une veine d’un classicisme de siècle passé, est un témoignage de la manière dont on peut vivre et apprécier la vie, y prendre plaisir et l’aimer pour peu qu’on ait le désir de comprendre et qu’on fasse tant soit peu preuve de courage et de détermination.
(Présentation : Annie Contin)