Comment échapper à un destin tout tracé quand on est une petite fille russe prénommée Elisaveta, ou plus affectueusement Lisa ? En ne jouant pas avec les autres filles, en préférant courir derrière un ballon avec les garçons de l'école, elle devient Liska (forme dépourvue de tendresse, un brin péjorative). Comme elle n'avait pas un père mais plusieurs, (sa mère recevant beaucoup de visiteurs),Liska était montrée du doigt dans son village. L'école ne l'intéressait pas. Son problème était : " suis-je jolie, ou non " ? A dix-sept ans, elle décide de vivre sa vie loin de sa mère et de toutes ces mesquineries. "Au revoir, maman ! Au revoir, ville natale ! Ville minable, ville exécrable, au revoir ! "
Elle part à G. ville voisine et s'inscrit à l'école d'infirmières. Pour payer le loyer de sa chambre de sa chambre, elle travaille comme concierge dans un immeuble. Un incident -jet d'une canette vide sur un locataire irascible-va la jeter en prison pour agression. C'est dans cette cellule qu'elle va tomber amoureuse de Micha, menteur, alcoolique et joueur. Elle cherchera le bonheur auprès de plusieurs autres hommes :Viktor, fonctionnaire du parti, Arthur, chauffeur de bus qui l'épousera , et puis Max, et Kostia .
Chaque rencontre lui apportera une parcelle du bonheur qu'elle recherche. Chaque rupture sera vécue avec un fatalisme joyeux.
C'est ce destin avec un sens aigu de la fatalité , une fatalité joyeuse que décrit Alexandre Ikoninov dans un style enlevé et plein d'humour. " Mon thème, c'est l'humain, et la recherche du bonheur. " Il n'en oublie pas moins de dépeindre avec ironie et réalisme la société russe contemporaine.
Alexandre Ikoninov,né en 1974, vit à Kirov. Après des études d'allemand, il est tour à tour enseignant, journaliste et interprète. Il se consacre actuellement à l'écriture. "Dernières nouvelles du bourbier"
( l'Olivier,2003) a reçu, en France, un accueil exceptionnel.
Quelques extraits de Liska et ses hommes :
-page 70 : "… Le secrétaire continuait à la détailler et Liska ne savait pas comment réagir. Lui sourire aurait été manquer de prudence. Elle décida donc de l'observer franchement à son tour Un type maigre, voûté, avec un nez grec, des lèvres fines et droites …Il ne lui plaisait pas. Mais ses yeux l'attiraient, pleins de force et d'impudence, des yeux perçants et dominateurs….
-page 71 : " …Comme Liska se sentait mal à l'aise sous ce regard à la fois cynique et animal, elle trouva refuge dans la boisson. Et bientôt tout se mit à tournoyer sous son crâne:des phrases incompréhensibles, le canard rôti, les trognes rouges, ivres, hilares au milieu de la fumée du tabac, la musique et les mains noueuses qui lui serraient puissamment les hanches pendant qu'elle dansait… "
-page 183 : " …Un poète méconnu n'a qu'une joie dans la vie : une bonne cuite au milieu d'amis ! " -voilà ce que pense Kostia après une semaine de beuverie ininterrompue lors d'un forum de poésie dans la ville de G. où Liska exerce le métier de chauffeur de bus…
-page 203 : " …Ah,Kostia,Kostia ! Pourquoi tu te mens à toi-même, pourquoi tu mens aux autres ?…Pourtant, tu as bien remarqué ces fluides amoureux qui tourbillonnaient, ces espèces de petites étoiles qui voletaient ? Des points minuscules qui circulaient en désordre entre Liska et toi, laissant derrière eux de vagues traînées. Comme des comètes miniatures. …Et Liska a sans doute été elle aussi sensible à ces fluides, puisqu'elle t'a dit qu'elle pouvait sortir avec toi ce mercredi. "
(Présentation : Josette Reydet)