Nathalia, intellectuelle ex-soviétique, travaillait autrefois au sein d'un institut (linguistique ? de marxisme ?Nous ne le saurons jamais !). Son époux, fils d'une ballerine du Bolchoï et d'un décorateur de théâtre, la quitte pour une jeune beauté russe aux dents longues, vêtue de minijupe. Leur unique fille, Nioura, jeune fille nymphomane, se drogue en compagnie de trafiquants minables dans le petit appartement familial abandonné par le père démissionnaire. Pour fuir cette atmosphère délétère, Nathalia choisit d'écrire un journal. Peu à peu, l'écriture sobre et nerveuse d'Irina Muravieva laisse transparaître la névrose de Nathalia, son état dépressif ainsi que le lent glissement vers la folie et la mort qui la guettent, enracinées dans la solitude et le manque d'amour… "
( Edgar Reichmann, le Monde des livres, octobre 2003)
Récit dans la plus pure tradition tchékovienne . Irina Muravieva est âgée de 45 ans. Née et élevée à Moscou, elle vit à Boston mais revient régulièrement dans sa ville natale. Elle perçoit avec acuité les transformations de cette Russie d'aujourd'hui , ni celle d' " en bas ", ni celle de ces nouveaux Russes milliardaires. Nostalgie et humour.
Un extrait :
" 15 avril - …Nous sommes montés en voiture et soudain Félix a remarqué mes pieds chaussés de sandales mauves. Il a fait une grimace…Je me suis regardée avec ses yeux. Tout entière, comme dit le poète, " des peignes jusqu'aux
pieds ". Et j'ai été horrifiée. Car voici ce que j'ai vu : des cheveux secs, abîmés par les décolorations, une mauvaise coupe, un cou avec un jabot comme celui d'une oie, sous les yeux, de la peau distendue et ridée, des mains peu soignées. J'ai vu une vieille, facilement irritable, l'air revêche, mal habillée et taciturne et j'ai compris que tout était fini entre nous ".
Un 2ème extrait : " 21 juin - Je meurs de rire, je me tords. Mon digne époux m'a rendu visite. Je m'étais coiffée, je m'étais poudré le nez…Il est arrivé, a perdu contenance et piétiné dans l'entrée. Je lui ai dit avec calme : - Entre, mon cher, tu prendras bien du café ?…Je me suis dirigée vers la cuisinière en tortillant les hanches. Il a rougi et détourné les yeux vers la fenêtre. Il était mal à l'aise, évidemment : une femme d'un certain âge qui prend subitement une telle allure...
Et me voici la cafetière à la main en train de fredonner : - Mon chant vole comme une ardente prière…Il a complètement perdu les pédales . Quittant la fenêtre, son regard s'est fixé sur moi, sur ma bouche ouverte.…
J'ai servi le café comme il faut, deux petites tasses azurées, du sucre en poudre, une tranche de citron.
- Qu'est-ce qui t'est arrivé, Natalia ?…Serais-tu tombée amoureuse ? Il rougit comme une crête- de- coq. -Tu te sens bien, Natacha ?- Très bien, lui dis-je, pourquoi ? - Rien, marmonne-t-il, je te demandais comme ça.
Dernier livre paru : Portrait de Bindo Altouiti ( Jacqueline Chambon, 2004).