Dans les « Carnets de la mer d’Okhotsk », le lecteur est convié par Nadine Ribault à une déambulation contemplative au Nord de l’île d’Okkaïdo au Japon, sur le bord de la mer d’Okhotsk, près du lac Saroma ou au cap Notoro lieux habités il y a bien longtemps par les Aïnous. C’est en février, quand la neige confond le regard d’un silence blanc, d’une lumière blême et que l’immobilité du paysage se rompt grâce aux loes, plaques de glaces en dérive que la magie des lieux opère.
L’écriture expose, dans un va et vient permanent, le lien entre les éléments rencontrés, regardés, observés, et les pensées qu’ils font surgir et que la narratrice explore d’un espace à un autre, reprenant fragment après fragment dans une répétition formelle et syntaxique, le fil de ses pensées qui sous-tend la réflexion et la fait progresser. Le lecteur captivé se laisse entrainer dans les méandres nés de l’observation et épouse au fil de la lecture le propos engagé, tout à la surprise de découvrir par exemple que les plaques dérivantes portaient en elles autant « des larmes de sel mauve qu’une énigme qu’elles protégeaient pour vivre ».
L’adhésion à l’imaginaire, tellement étonnant et pourtant limpide, clair, simple, s’engage au fil des mots tout naturellement et à son terme, quand le propos a épuisé ses ressources, nous avons cheminé avec l’auteure et intégré ce qu’elle donnait à voir. Alors, le silence des horizons immenses de la mer d’Okhotsk se peuple de mémoires, le blanc de nuances, l’espace de vie. La mer est parcourue de mouvements avec les loes dont les formes s’animent de toutes sortes de reconnaissances, avec le brise glace et le chemin qu’il se fraie, avec le repérage d’un navire au loin, avec les aigles et leurs plumes blanc et noir. La terre se retourne peuplée des générations d’avant, les Aïnous, des forêts de bouleaux, des chemins vers l’infini de la poésie et l’on ressent la fourrure de zibeline de la neige foulée aux doigts. Ancrés dans les pas, des paysages se composent sous ses yeux et le lecteur se perd et se retrouve dans un ailleurs magique, scintillant, qu’il ne se lasse pas de découvrir.
Présentation : Annie Contin