Dans un long récit, Maïssa Bey rappele trente années de l'histoire de l'Algérie, de 1962 à 1992. 1962, c'est l'année de l'indépendance de l'Algérie. 1992, année où l'Algérie sombre dans le chaos, après l'interruption du processus électoral gagné par le FIS. Entre les deux années, c'est la période du parti unique, pendant laquelle le pouvoir doit faire face à de nombreuses crises.
Maïssa Bey raconte sous la forme d'un récit à deux voix, elle et lui ; en 1962, ce sont encore deux enfants qui vont à l'école. Ils ne se connaissent pas et pourtant ils habitent dans le même immeuble. Elle, c'est Lilas, lui Ali. En 1962, c'est leur première année de lycée dans un pays qui vient d'obtenir son indépendance et ils vont découvrir de nombreux changements : l'hymne et le drapeau algériens, l'interdiction d'utiliser pour écrire les couleurs du drapeau français, le rouge devant être remplacé par le vert, la suppression de l'histoire de France enseignée jusque là, la présence des filles à l'école jusque là réservée aux garçons ...
Ce que ces deux enfants vont découvrir, comme toute la population algérienne, c'est la liberté avec toutes ses promesses et ses espoirs, c'est la modernité et le développement qui doivent transformer radicalement le pays. Mais Lilas va se rendre compte que les traditions et les habitudes ont la vie dure: la situation des femmes en particulier ne va évoluer que très lentement . Beaucoup de femmes restent analphabètes, beaucoup de filles sont encore sous la coupe de leur mère qui juge pour elles ce qui est bien et ce qui est mal. C'est toute une liste d'interdictions et de devoirs qu'elles doivent respecter si elles ne veulent pas être traitées de "dévergondées". Les garçons eux, n'ont pas ce genre d'obligations car la stricte séparation des sexes reste le fondement de la vie sociale et morale.
Lilas et Ali vont bien sûr se rencontrer et s'aimer, décidés à secouer les traditions et à passer outre le jugement des autres et le poids du qu'en dira-t-on. Ils vont se heurter bien souvent à toutes sortes de contradictions dont ils ont du mal à se dépêtrer. Mais comme tous les jeunes de leur génération, ils veulent le changement que les anciens bien souvent leur refusent.
Maïssa Bey, à travers le regard de ces deux jeunes adultes, continue ainsi d'évoquer l'histoire algérienne, les années sombres où les Algériens assistent aux dérives d'un système qui fait du mensonge et de la ruse un sport national. Les émeutes dans la rue se multiplient, la peur s'installe, les repères vacillent; les années 90 verront le retour des femmes voilées, la pression sur les hommes pour les obliger d'aller à la mosquée, les slogans hurlés dans la rue à la gloire de Dieu. Et en 1992, c'est la victoire du FIS aux élections ...
(Présentation : Anne-Marie Smith)