Gap -  Hautes-Alpes

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Samuel Millogo a été reçu à Gap par Littera 05 dans le cadre des Francophonies 2006 (Avril 2006).
Avec lui, Noëlle Revaz et Alfred Dogbé ont animé un week-end autour de la littérature francophone.

Samuel Millogo est né en 1946 au Burkina Faso.
Il obtient un doctorat de 3ème cycle en lettres anglaises à l’université de Nice en 1974.
Il est enseignant-chercheur au département d’anglais de l’université de Ouagadougou.
Il a exercé les fonctions de Secrétaire général adjoint du Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur (CAMES) basé à Ouagadougou (Burkina Faso).

Œuvres éditées :

- Savannah Blues, poésie, éd. L’harmattan, 1996
- Récits de ma vallée - Ed. Sankofa-Gurli(Ouagadougou, Burkina Faso), 2000
- Lune noire  (poésie) et  Sohonno, menteries du soir  (contes), tous inédits.

 Traductions :

La Route de Wole Soyinka, pièce de théâtre, éd. Hatier monde noir, 1978
Sozaboy de Ken Saro Wiwa, roman, éd. Actes Sud, 1998

"Récits de ma vallée" :   éd. Sankofa-Gurli (Ouagadougou, Burkina Faso), 2000

Recueil de récits en trois parties. On trouve le sens dans la nouvelle qui donne son nom au livre. C’est un vieillard, un grand-père ronchon , qui n’aime pas ce que sont devenus les hommes, comment les traditions et les valeurs se sont perdues. Il a auprès de lui son petit-fils Diénon qui l’écoute, le titille pour le faire parler, le provoque. C’est un affrontement pacifique entre les deux, auquel ils prennent tous deux un grand plaisir. D’ailleurs le grand-père se réjouit de la pugnacité de son petit fils : il saura se défendre quand il sera grand. Ce que Dienon aime particulièrement, c’est quand le vieux Maré, un voisin, rend visite à son grand-père. Alors ce sont des histoires savoureuses que les deux hommes racontent et que l’enfant écoute, tapi dans un coin. « Evoquer ce qui plus jamais ne sera… »

Les trois parties du livre correspondent à trois types de récits différents :

- Les premiers sont des vignettes, des récits très courts, des petits faits quotidiens, des petites histoires racontés ça et là, dans les villages, et que l’auteur connaissait depuis longtemps.

- « Les récits de le vallée »sont les récits racontées à Diénon par son grand-père.

-  Dans « Les chemins de l’errance », la troisième partie, ce sont des récits de voyage faits d’histoires  que Diénon a entendues, a vécues et qu’il a voulu écrire pour prendre le relais de son grand-père.

Ces histoires, ces anecdotes de la vie courante auxquelles se mêlent des croyances populaires, des personnages de contes, des superstitions… sont ainsi transmises d’une génération à l’autre par voie orale : « Les bouches édentées parlent afin que l’enfant retienne pour demain ». Les anciens livrent aux enfants le savoir des ancêtres, leur transmettent des règles de vie, de morale, des valeurs. Et c’est Dienon, le narrateur principal, qui raconte la mémoire que son grand-père lui a transmise.

Le recueil raconte par petites touches, le petit peuple des émigrés qui vivent aux portes de la ville, au pied de la colline, dans des conditions de pauvreté extrême. Ces peuples ont quitté la savane pour venir vers les villes côtières.

D’autres moments de vie et de mort suivent :

-     un enfant meurt dans les bras de son père qui fait la queue devant le dispensaire : il n’a pas trouvé les arguments convaincants pour passer devant les autres.
-     Un bidonville rasé par une machine infernale
-     Une exécution publique sur une plage devant une foule délirante.
-     La mort au Rwanda
-     Des moments pleins d’humour aussi : évocation d’un mammy-wagon qui vous conduira à votre destination…. L’ultime !
-     Des légendes sont évoquées : Nowali(Noël), la fête des masques : tradition centrale dans la culture africaine : à votre naissance, on vous présente aux masques. A l’initiation, vous recevez au nom du masque un nom d’initié. La religion catholique a voulu attaquer de front cette coutume mais sans résultat.



Samuel Millogo avec les élèves du lycée Aristide Briand

"Sozaboy (petit minitaire)" - Ken Saro Wiva - Traduction : Samuel Millogo et Amadou Bissiri

      Ken Saro Wiva :       

Le 10 Novembre 1995, une dépêche de l'AFP annonçait la mort par pendaison de l'écrivain nigérian Ken Saro Wiva. Il avait 54 ans. Huit de ses compagnons subissaient le même sort que lui. Tous étaient des opposants au régime militaire nigérian et faisaient partie du Mouvement pour la Survie du Peuple Ogoni. Ken Saro Wiva issu de cette minorité (un demi-million de personnes au Sud du Nigéria), voulait une autonomie politique pour son peuple : il avait droit à une part des richesses due à la manne pétrolière  et il devait pouvoir s'opposer aux compagnies pétrolières qui dévastaient la région d'un point de vue écologique. La compagnie Shell avait un projet qui prévoyait  le déplacement de la minorité ogoni et la spoliation de ses terres. C’est elle qui soutenait à bras-le-corps le régime corrompu du général Sani Abacha. L'exécution de Ken Saro Wiva déclencha un tollé général et conduisit au boycott de la compagnie et à une action en justice.

Ken Saro Wiva laisse une oeuvre qui mêle témoignage et fiction.
"Sozaboy" est considéré comme un chef d'oeuvre de la littérature africaine. Ecrit dans ce qu'on a appelé "un anglais pourri", il a été traduit par Samuel Millogo et Amadou Bissiri dans un français africanisé.

    
Samuel Millogo lit Sozaboy pour le public de Gap le 1er avril 2006

Sozaboy

C'est l'histoire d'un enfant de 15 - 16 ans, Méné, qui vit à Doukana, une petite ville du Biafra. Il est jeune apprenti-chauffeur et commence à être attiré par les jeunes filles. Il est encore très naïf et croit comme tout le monde que tout va aller bien puisque un nouveau gouvernement a pris le pouvoir : Tout le monde était content parce que dorénavant, même juge au tribunal de Bori va commencer faire meilleur jugement. Et policiers sur la route vont faire leur travail bien bien. Même y a une femme qui parlait que le soleil va briller normalement et que les gens ne vont pas mourir encore parce que y en aura médicament dans hôpital et docteur il va opérer cadeau. Oui, tout le monde était content à Doukana. Et eux tous étaient là chanter."
Tragique naïveté ! Au même moment, la guerre du Biafra éclate et on invite les jeunes gens à devenir minitaire. Au début Méné refuse. Mais quand il voit des soldats, le prestige de leur uniforme va le faire changer d'avis : il pourra ainsi impressionner la jeune Agnès "avec ampoules 100 watts", et les habitants de Doukana. Il va donc s'engager dans l'armée. Il va vivre les événements au jour le jour, sans prendre de recul pour les analyser. Il se contente de vivre ces événements, ce qui lui arrive. Sans savoir ni pour qui, ni pour quoi, il va être emporté par le courant d'une guerre, la guerre du Biafra, qui va lui faire découvrir toutes les horreurs de la guerre : la corruption, les exécutions sommaires, les blessés, les camps de réfugiés, la famine, les enfants qui meurent de faim :"tous ces gens avec longs longs cheveux et gros gros ventres et jambes comme jambes de moustique et leurs yeux au fond au fond de leur visage ... Et y a beaucoup qui étaient là pleurer ou bien à cause de maladie ou de faim, ou bien y a leur frère qui était là mourir, et eux tous leurs corps c'est noir comme ça là."
Peu à peu il va se rendre compte qu'il a tout perdu, sa mère, sa fiancée, son identité, son appartenance à un peuple. Et surtout il va, à partir de là, porter un regard totalement transformé sur la vie, sur les gens, sur la religion, sur l'armée, la corruption et l'absurdité de la guerre.

Les événements qu'il vit, le pétit minitaire les raconte dans sa langue à lui, avec ses sentiments, ses émotions, ses croyances, avec son coeur. Et nous lecteurs, nous nous mettons à son niveau, nous rentrons dans son intimité et ainsi nous comprenons avec lui, et nous sommes bouleversés. De plus ce livre nous met face à une représentation de l'enfance bien sombre : il n'y a plus seulement des enfants victimes des guerres, de la famine, du SIDA, il y a aussi des enfants bourreaux , les enfants-soldats à qui on fait prendre les armes à l'âge où ils devraient ne se soucier que d'apprendre à lire et à écrire. Ahmadou Kourouma,en 2000, s’est attaqué à son tour aux conditions de vie des enfants-soldats dans Allah n'est pas obligé .

Quant à la langue utilisée par les deux traducteurs, ils s'en expliquent dans "la note des traducteurs"qui précède le roman : "Dans le souci de préserver l'originalité de Sozaboy, nous avons tenté de restituer le style oral et haché du narrateur dont les mots se bousculent parfois jusqu'à en perdre haleine".
 Les codes du français académique sont abolis, le pétit minitaire dit le monde à sa manièreet nous ne pouvons que nous féliciter du résultat.
Samuel Millogo a écrit dans la revue "Littera -la trame des jours" n°12, comment l'écrivain francophone, et en particulier africain, explore le français, "force les portes du temple" : "Les « voleurs de langue », les Caliban  d’aujourd’hui s’étant approprié une langue jadis imposée, l’affranchissent, lui ouvrent des horizons insoupçonnés, lui font violence certes mais la parent de nouvelles qualités. Ils jouent simplement leur partition dans une formidable polyphonie tout en revendiquant le droit à sentir et à dire le monde à leur manière. Ils célèbrent la parole plurielle, le verbe partagé, sans dénier à personne sa singularité. Le français devient alors ce fleuve que  viennent gonfler des affluents impétueux débouchant des quatre coins du monde. On comprendra pourquoi la notion de « mauvais français » mérite d’être maniée avec circonspection dans certains cas. Les relations avec le modèle dominant évoluent lentement et sûrement vers le respect mutuel et il y a lieu de s’en féliciter."