Le narrateur vient de quitter son pays (l’Ethiopie jamais nommée) pour rejoindre Kampala, la capitale de l’Ouganda. Nous sommes en 1970, et l’Ouganda vit une guerre civile à laquelle il va être mêlé, entraîné par Isaac : « Isaac et moi sommes devenus amis à la manière de deux chiens errants, en quête de nourriture et de compagnie, qui empruntent tous les jours le même chemin ». Plus que la politique, lui, ce qui l’intéresse, c’est de devenir un écrivain célèbre. Alors il suit son ami mais avec l’intuition que cela finira mal. "Dès le départ, il fit en sorte de m'entraîner dans sa réalité, laquelle me donnait, pour la première fois, depuis mon arrivée dans la capitale, le sentiment d'avoir enfin une place." On ne connaîtra jamais son vrai nom. Une seule lettre le nomme : D. En quittant son pays, il a perdu ses racines, il a abandonné son nom : "Dans le bus qui m'emmenait à la capitale, je décidai de renoncer à tous les noms que mes parents m'avaient donné". A Kampala, manifestations, complot, combats de rues, répression dans le sang se succèdent. Le chaos n’est pas loin. Le rêve post-indépendance s’achève. La dictature s’installe.
A la voix du narrateur, succède dans le deuxième chapitre, celle d’Helen. Le livre est fait de deux regards qui alternent. Dès le deuxième chapitre, nous quittons donc l’Ouganda pour nous retrouver dans le Midwest américain. C’est Helen, une assistante sociale qui raconte. Elle a rencontré celui qui dit s’appeler Isaac, qui a quitté l’Ouganda pour s’exiler aux Etats-Unis. Une histoire d’amour a commencé. Mais ils vont se heurter au racisme qui sévit aux Etats-Unis, nous sommes à la fin de la guerre du Vietnam. Les combats des Noirs américains pour les droits civiques ne sont pas loin. Helen est blanche. Un couple mixte au fin fond de l’Amérique n’est pas accepté. Ils sont agressés par les mauvais regards qu’on leur jette.
Elle a surnommé Isaac, Dickens. Mais est-ce bien Isaac ? N’est-ce pas plutôt D. ?On ne saura pas jusqu'à la fin du livre. Il est solitaire, passe ses journées dans les bibliothèques : « Sans être un fantôme il avait tout d'un homme dont seuls les contours auraient été ébauchés ». Il a à faire le difficile apprentissage de la vie avec l’autre. Mais ses souvenirs le hantent. Parviendra-t-il à se reconstruire ?
Les chapitres sur l’Afrique s’entrecroisent avec ceux sur les Etas-Unis. Mais c’est toujours sur les mêmes thèmes que le livre est bâti : le déracinement, la recherche d’identité, l’exil, l’appartenance …Et c’est également un très beau livre sur la découverte de l’amitié (en Afrique) et de l’amour (aux Etats-Unis)
Littera05 avait reçu Dinaw Mengestu en 2012 pour son deuxième livre : « Ce qu’on peut lire dans l’air », roman paru en 2010, qui faisait suite à son premier roman, « Les belles choses que porte le ciel » paru en 2006 . Dinaw Mengestu nous avait dit : En perdant ma langue, j’ai perdu mon histoire, celle de l’Ethiopie. Si j’écris c’est pour remplir cette histoire parce que je n’ai rien. En comprenant mon histoire, je comprends le monde.
Vous pouvez retrouver cette rencontre avec Dinaw, sur notre site, en cliquant sur le lien :
http://www.littera05.com/rencontres/dinaw_mengestu.html
(Présentation : Anne-Marie Smith)