Très belle soirée au Pôle XXI de Savines-le-lac. Après une interview où Sylvain Prudhomme a présenté son livre, en répondant aux questions d'Anne-Marie Smith (Littera05) , le clou de la soirée était la lecture musicale de "L'enfant dans le taxi".
C'est Sylvain qui en a fait la lecture, accompagnée par Marion Bortoluzzi au violoncelle , à la flûte traversière et à la guitare. Voix et musique ont créé un univers où les mots et les notes se mêlaient intimement. L'émotion était palpable dans le public. Un grand merci à Marion et à Sylvain.
La soirée s'est terminée par un copieux buffet préparé par des membres de Littera05 et des bénévoles de la médiathèque de Savines. Tous nos remerciements vont à elles et à la mairie de Savines qui nous a reçus gratuitement dans la belle salle du Pôle XXI, sans oublier les techniciens qui ont mis en place tout le matériel.
Merci aussi à Catherine (Littera05) qui a fait le travail administratif pour recevoir nos invités.
Présentation de "L'enfant dans le taxi" de Sylvain Prudhomme (Editions de Minuit, 2023)
Le premier chapitre du livre décrit une scène d’amour près du lac de Constance, entre un soldat français Malusci, et une jeune Allemande, à la fin de la guerre." scène du désir plus fort que tous les interdits". L'auteur parle d’innocence, de gravité, de « scène primitive ».
Cette scène va être obsédante, omniprésente : il faut la rattacher à la citation mise en exergue : « Mais les vrais souvenirs vivent par en-dessous. Ils s’obstinent »Une citation de Georges Hyvernaud (La peau et les os, 1949)
Tout est amour dans ce chapitre, un amour d’où est né un enfant, ce qui intensifie encore plus l’acte d’amour.
Le deuxième chapitre nous emmène des dizaines d’années plus tard et on va plonger dans l’histoire de cette famille, celle du narrateur, sans doute en partie celle de Sylvain.
Attardons-nous sur le personnage de Malusci, le grand père. Sylvain a déjà écrit un livre sur son grand-père dans son livre « Là avait dit Bahi », où il est question de sa famille en Algérie. On avait laissé entendre qu’il y avait eu une belle Allemande dans la vie de Malusci. Mais sans plus. Et là avec la révélation du secret,on va découvrir une autre facette du grand père qui , semble-t-il fait mal à Simon. En fait, tout part de là, semble-t-il. On peut dire que c ’est la genèse du livre ?
Et moi qui m'étais soudain retrouvé avec le bout d'un fil entre les doigts, l'extrémité d'une pelote sur laquelle j'avais aussitôt senti que je n'aurais qu'à tirer pour faire venir à moi toute l'histoire."
« Mais le passé qui a été refoulé n’est jamais mort, il continue « à vivre par en-dessous , il s’obstine »
Le jour des obsèques de Malusci, un oncle va révéler à Simon, le narrateur, l’existence de M., cet enfant né dans le premier chapitre, devenu bien sûr un adulte. Simon est tout de suite attiré par M :
Il va le chercher, le défendre, jusqu’au dernier mot du roman que l'on ne vous révèlera pas. Il est fasciné par ce personnage qui vient de rentrer dans sa vie.
La situation de famille de Simon est à l’opposé de celle de M. bon père, attentif à ses deux fils et lui-même est un fils aimé. Et surtout il traverse une période difficile où il est seul « Je me suis senti seul. Seul à un point, merde ». Le travail de romancier de Simon va l'aider à créer des liens avec M.
Simon donne une définition du travail de romancier très juste . J’ai pensé que comme M. je faisais partie des êtres qui avaient un problème avec le monde, n’arrivaient pas à s’en contenter tel quel, devaient pour se rendre habitable le triturer, le rêver autre….. J’ai pensé que j’étais le frère de M. dans l’ordre des condamnés au remodelage, à la fiction. Son frère dans l’ordre des intranquilles, des insatiables, des boiteux
Est-ce que ça veut dire que le romancier peut jouer un rôle dans la société ? Il ne changera pas les choses mais il est le transmetteur de la mémoire.
Cette histoire familiale,Sylvain Prudhomme en a fait une fiction. L'utilisation de la fiction permet au romancier de se sentir plus libre et d'imaginer certaines scènes, la première scène par exemple.
M. est un b âtard et un bâtard né d’une Allemande et d’un soldat. On sent que c'est un sujet important pour l'auteur.
Faire émerger doucement le secret enfoui. Un des moyens c’est le voyage, c’est prendre la route pour aller comprendre : Simon part en Allemagne avec ses deux fils puis il repart seul. Il a fallu qu’il arrive à cette idée qu’il doit aller voir, qu’il dépasse l’interdiction de la grand-mère. M. prend un taxi pour venir assister aux obsèques de son père. Sylvain Prudhomme a écrit un roman qui s’appelle « Par les routes ». Il a fait un long road-movie aux Etats-Unis à la frontière mexicaine, d’Ouest en Est des Etats-Unis, sujet de son dernier livre qui vient de sortir « Coyotes ».La route, un des thèmes favoris de l'auteur.
Et écrire un livre, n’est-ce pas une façon de prendre la route ?