La semaine dernière aux Correspondances de Manosque j’ai acheté du Pascal Quignard . Curieuse de connaître cet auteur à la belle écriture, j’ai acheté son dernier roman « Villa Amalia » . C’est l’histoire d’une femme qui se sépare de son compagnon de quinze ans car elle l’a surpris avec une autre, et du jour au lendemain, sans se retourner et presque sans explication, avec obstination, elle liquide cette partie de sa vie et, seule, recommence autre chose, ce qu’elle aime et ce qu’elle sait faire, écrire de la musique. Oui mais, dans les « hasards » de sa rupture, elle rencontre le jour où elle surprend son compagnon, un ancien camarade de classe, homosexuel et secrètement amoureux d’elle. Et il devient le confident de sa nouvelle vie, l’aide à disparaître, lui offre un port d’attache dans une petite maison à côté de la sienne qu’elle retape, un coffre fort où elle peut placer tout son argent, car elle a des biens, maison, pianos de marque, quelques meubles…. Du coup elle n’est pas vraiment seule pour repartir ! Et dans le lieu qu’elle se choisit elle ne reste pas longtemps seule non plus, un médecin qui la soigne après un incident de santé devient son compagnon et elle partage sa vie avec lui et une toute petite fille. Elle se sent amoureuse d’une maison qu’elle trouve près de la mer et qu’elle arrive à habiter. Dans toute cette partie, on sent l’héroïne décidée, elle sait ce qu’elle veut et l’obtient mais en même temps elle se conduit comme une automate, anesthésiée par un fil invisible qui la mène où elle doit aller et c’est ce qui est attachant chez ce personnage. Seul ce côté « tout arrive au bon moment, toujours » éveille très vite une suspicion dans ma lecture et m’impose une sorte de recul, du coup je rentre moins facilement dans l’aventure…
Pourtant, le livre est très agréable à lire et l’obstination de l’héroïne à être elle-même et à vivre selon ses aspirations me touche presque autant que la manière dont l’auteur le dit. Certains passages descriptifs provoquent une vraie émotion.
« En une minute le soleil crevait la surface de la mer et tout était éclaboussé de lumière. Le lieu était peu à peu gagné par la profondeur. La distance provenait d’abord des sons qui naissaient partout. Tout apparaissait aux premiers instants dans une espèce de substance crémeuse mêlée peu à peu de violet et de noir.
Puis de vert autour des arbres et sur les flancs de la colline.
Alors les ombres surgissaient autour des formes. Elles mettaient en relief les maisons et les animaux. »
C’est une belle écriture.
Finalement, dans les deux dernières parties du roman, le rythme est plus rapide, les émotions exprimées même par touches à peine dites, et à la fin j’étais vraiment émue. Un nouveau narrateur prend en charge une partie du récit ce qui surprend – il annonce même sa mort qui n’arrive pas- on le sent affectivement très intéressé par l’héroïne et si rien n’est dit, il apporte une nouvelle ouverture à l’histoire. Puis des personnages meurent. A partir de ces deuils, leur vie amoureuse et affective changent, ils font de nouveaux choix, se séparent ou se soutiennent, et le tout se tient.
En fait, j’aime bien quand un roman m’emporte dans la vie de personnages où les sentiments ont des conséquences sur les actes et obligent les héros à faire des choix en fonction de ces affects. Et quand le récit démarre par un événement qui transforme la vie du héros, j’attends que les choix soient ancrés dans le réel sans trop d’artifice. S’ils ne le sont pas, il est nécessaire qu’un autre aspect du roman suscite mon intérêt.
(Présentation : Annie Contin Le 30/09/06)