Gap -  Hautes-Alpes

Robert Mitchum ne revient pas

Jean Hatzfeld

Gallimard, 2013

 

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Au printemps 1992, Marija et Vahidin, athlètes de haut niveau, s’entraînent pour participer aux Jeux Olympiques de Barcelone, dans l’équipe nationale yougoslave de tir. Ils vivent à Ilidza, non loin de  Sarajevo. Marija est serbe, Vahidin Bosniaque musulman, une différence qui n’empêche pas leur amour, jusqu’à ce que la ville soit envahie par des tanks et le bruit sourd des rafales de kalachnikovs. Vahidin, pour avoir voulu raccompagner sa mère et ses sœurs à Sarajevo, se retrouve bloqué dans la ville après avoir été refoulé à un barrage sur la route du retour. Il est donc séparé de Marija qui ne peut elle-même rejoindre Sarajevo. La violence s’installe, le siège de Sarajevo commence.

Vahidin est enrôlé dans une brigade, on lui met dans les mains un Dragunov , fusil des tireurs d’élite russes, et le voilà sniper. Quelle différence entre tireur d’élite sportif et sniper qui tue ? Alors qu’il vient de tuer un homme pour la troisième fois, il n’éprouvait ni malaise, ni angoisse, ni même soulagement, il se sentait simplement tranquille.

La même proposition est faite à Marija par l’armée serbe. Elle a des dons exceptionnels pour le tir, elle doit les mettre au service de la Serbie. En compensation elle pourra continuer son entraînement pour les J.O. Marija ne voit pas comment elle pourrait refuser. Et lorsqu’un jour une célèbre soprano, accompagnée de nombreuses personnalités, se rend à l’aéroport de Sarajevo pour protester contre la guerre et soutenir les Bosniaques, elle est la cible d’un sniper et grièvement blessée. Qui a tiré ? Tout le monde pense que c’est Marija, elle qu’on a vue près des lieux de l’attentat. Mais Vahidin aussi était dans les parages !

Jean Hatzfeld décrit l’atmosphère de Sarajevo avec des images qui disent l’horreur, mais sans s’attarder : les bombardements, les camps de prisonniers, de femmes violées, les rivières d’où émergent les cadavres, le crépitement des kalachnikovs, les murs des immeubles éventrés par les obus… Il ne juge pas, il dit seulement les faits, très rapidement. Il insiste plus sur le monde des snipers, il décrit longuement leurs techniques de tir, leurs positions,  leurs sensations quand ils ont leur  arme en mains et à un moment on bascule dans la banalité du geste : que ce soit sur un terrain olympique ou sur un terrain de guerre, c’est le même geste, le même sang froid qui, pour nous lecteurs, est difficile à accepter.
Avec une grande sobriété, Jean Hatzfeld nous montre une fois encore l’absurdité de la guerre.

(Présentation: Anne-Marie Smith)