Parfois, les mots sont comme des flèches. Ils vont et viennent et tuent, comme à la guerre. Voilà pourquoi j’aime bien enregistrer les adultes.
Une famille est rassemblée pour un mariage. Tommy, un jeune garçon de 12 ans, se cache sous les tables pour enregistrer les conversations des adultes sur son MP3. C’est comme ça que va lui être révélé un terrible secret : sa maman, Soledad, n’est pas morte de maladie, dix ans plus tôt, comme il l’a toujours cru, mais s’est en fait suicidée. Cette révélation va faire basculer Tommy dans une souffrance d’autant plus terrible qu’il va la garder pour lui. Mais les mots restent là, enregistrés, comme en embuscade… A partir de là, Tommy n’aura de cesse de découvrir les raisons de ce suicide en plongeant dans le passé de sa famille pour trouver une réponse à cette évidence : Si maman s’est ôté la vie, ça signifie qu’elle ne m’aimait pas. Pourtant il a autour de lui des personnes qui l’aiment, d’autant plus qu’il est un garçon fragile qui risque à chaque instant une défaillance cardiaque.
Son père Juan, cardiologue, veut le protéger à tout prix, et pour lui éviter tout risque qui pourrait lui être fatal, il lui fait mener une vie de reclus, à l’écart des autres, en faisant peser sur lui des interdictions telles que l’enfant est voué à une douloureuse solitude. Lui, Juan, connaît sa double nature : le cardiologue adulé qu’on regarde quand il sort d’une salle d’opération comme s’il était Dieu. Mais lui sait que ces regards reconnaissants (l)’aident à oublier l’homme étouffant de colère, de culpabilité et de médiocrité qui est en (lui).
Il y a aussi Alma, la nouvelle épouse de son père, qui a pour Tommy un amour infini mais qui porte aussi en elle un douloureux passé. Enfermée par ses doutes et ses angoisses, désireuse de se libérer de ce passé, elle prendra le risque d’abandonner ceux qu’elle aime, pour retrouver un amour de jeunesse, Léo, un dragueur bien attachant mais qui fuit ses responsabilités parce que la vie ne l’a pas épargné lui non plus, et qui se cache sous un masque de sarcasme .
Ainsi nous sont révélées au fur et à mesure que l’histoire avance, les blessures les plus secrètes de chacun des personnages. On croyait que tout allait bien dans cette famille recomposée, mais les situations ne sont jamais ce qu’elles ont l’air d’être. Les liens vont se distendre et des non-dits vont apparaître qui vont faire s’écrouler les certitudes de chacun. La part d’ombre de ces êtres qui pourtant s’aiment, va être mise en pleine lumière et chacun va dévoiler ses faiblesses, ses souffrances dues bien souvent aux silences des autres. Tommy dit de son père : Quand papa ne dit rien, c’est comme si soudain quelqu’un éteignait la lumière et laissait tout le monde dans le noir, perdu dans son coin. Voilà pourquoi les silences de papa sont noirs. Les silences blancs, par contre, sont pleins de lumière. L’absence de sa mère lui est insupportable. Il n’y avait personne au monde que maman aime autant que moi, et personne au monde ne m’aime comme elle m’a aimé et il n’y a rien dans l’univers que j’aime plus que maman. Comment pourra-t-il combler le vide de cette absence?
Ce récit à trois voix, où chacun prend la parole à tour de rôle, est construit essentiellement autour de l’idée de la mort. Les personnages vont devoir affronter leur destin et tout va devenir tellement douloureux. La tension qui monte peu à peu est telle qu’on sent, nous lecteurs, que leur vie ne peut que basculer. On voudrait pouvoir arrêter le destin, rassurer Tommy, lui dire que tout le monde l’aime et que tout va bien aller, que le meilleur l’emportera sur le pire. Mais nous ne sommes que des témoins impuissants qui ne pouvons que partager la douleur des personnages.
(Présentation : Anne-Marie Smith)