« J’ai eu l’idée de faire des photos de la baie pour les lui (à Héloïse) envoyer au retour. Une façon apaisée de reprendre contact. Mais toutes mes images étaient ratées, mal cadrées ou sous-exposées. Je regardais mon Nikon miniature, son œil argenté et muet. A première vue, quelques grammes d’électronique aimable, conçus pour fixer des paysages, des monuments, des tableaux de famille, attraper des sourires, des chats ou des visages d’enfants ; dans les faits, une possible arme de guerre, capable de broyer des gens comme nous, ceux qui s’étaient trouvés là où il ne fallait pas. » Olivier.
Il s’appelle Olivier, elle s’appelle Héloïse, ils sont juste collègues de travail, ils partent déjeuner mais la rame de métro dans laquelle ils sont montés est gravement endommagée par une explosion.
Ils sont blessés tous les deux mais Olivier qui n’a pas perdu connaissance, sort son amie de la rame et la porte vers les secours qui s’organisent. Une personne est témoin de cet acte, un photographe de presse. Il prend une photo. Ce cliché, donnant à voir leurs corps abîmés et à moitié dénudés, et leur douleur se retrouvera dans de nombreux journaux et magazines papier et sur Internet.
Comme elle le fait dire à Olivier ci-dessus, l’auteure s’interroge sur le pouvoir et le poids dévastateur de l’image. Elle nous oblige à réfléchir au droit à l’information et à ses limites, à la puissance d’internet difficile à maîtriser, au pouvoir dévastateur des paparazzi.
D’autre part, dans le récit nous apprenons qu’Olivier, qui est historien, a créé une émission télévisée « Histoire d’images ». Pour chaque édition, Héloïse et Olivier ont choisi des photos historiques, extraites d’archives. Olivier raconte que c’était : « une mémoire dormante, jusqu’alors cachée dans des pochettes, des dossiers, des boîtes ». Pour certains clichés archivés « le photographe, par erreur – ou par choix-, avait attrapé au vol un fragment de vie imprévu. Ces photos-là m’étaient arrivées comme un coup de poing. Les visages muets, vibrants, accusateurs ; ceux des oubliés de l’Histoire, de ses absents et de ses anonymes, qui nous interpellaient à travers le temps et réclamaient, sur ces précaires rectangles de papier, qu’on leur rendît la parole. » Pour les besoins de l’émission, ces images seront décrites par des personnes de toutes origines qui expriment aussi, à cette occasion leurs émotions, leur ressenti. Chaque description d’image s’intercale dans le récit alterné des 2 protagonistes (et nous fait nous interroger à notre tour).
Enfin, le roman se termine sur une troisième utilisation de la photographie que je vous laisse découvrir très vite sachant qu’elle exprime selon moi le moyen pour Héloïse et Olivier de retrouver leur sérénité et leur dignité.Et comme le cite l’auteure en exergue de son roman, rappelons-nous toujours ce qu’a dit le photographe Willy Ronis : « Une photo n’est pas un parpaing avec lequel on puisse construire n’importe quoi. Je me sens entièrement responsable de l’utilisation de mes images ».
Présentation : Marie-Claire Royer