En 1505, Michel-Ange, artiste déjà reconnu, reçoit du Pape Jules II commande de son futur tombeau. Le sculpteur, muni de ses carnets de croquis quittera Rome et s'exilera plusieurs mois à Carrare pour choisir lui-même les plus beaux marbres. C'est un homme tourmenté qui fuit Rome plus tôt que prévu parce que bouleversé par la mort du jeune moine Andrea dont la beauté le fascinait et le troublait.
Au contact des tailleurs de pierre et des carriers dont il va partager le quotidien, Michel Ange arrogant et bourru, habité par son art, va peu à peu se laisser apprivoiser et séduire par la vie simple des familles de ce village qui partagent leurs joies et leurs peines.
L'insistance d'un enfant de 6 ans, Michele qui vient de perdre sa mère, à le suivre et à lui prendre la main - lui qui déteste les enfants, les facéties de Cavalinu, le fou philosophe qui se prend pour un cheval, tout cela va craqueler sa carapace. Il se laisse peu à peu pénétrer par les émotions et retrouve des souvenirs de sa propre enfance, lui qui fut aussi orphelin de mère à 6 ans : le parfum comme premier souvenir, les odeurs, les saveurs, la robe de sa mère, elle est en velours brodé de soie. Sa couleur est cramoisie...et l'enfant enfonce son visage dans le précieux tissage. Ses mains s'agrippent, caressent, froissent... la robe adorée qui grave sur sa joue ses arabesques brodées.
Ce sont autant de grains de pietra viva (pierre vive, vivante) qui vont l'émouvoir et inspirer son œuvre future.
Là où il voudrait qu'il n'y ait plus que l'art, l'humain s'impose.
D'une écriture délicate, avec des mots d'une infinie poésie, Leonor de Récondo, d'origine toscane et dont le père fut sculpteur à Carrare, nous livre en même temps que le portrait d'un Michel-Ange descendu de son piédestal, une réflexion sur l'art qui se réconcilie avec l'humain.
C'est aussi un roman sur le deuil et la vie sans oublier la dimension spirituelle qui court tout au long des pages : l'apparition d'Andrea, la vision de sa mère, la présence de la Bible, sa confession à Frère Guido et sa relation au clergé.
En de courts chapitres, l'auteur excelle à nous faire partager des situations de contraste : l'atmosphère joyeuse malgré la rudesse du métier de carrier, la passion du Maître pour son travail,
le respect de la nature âpre et exubérante des paysages toscans, la nourriture paysanne qui tient au corps, la crasse qui les protège des maladies et aussi le bonheur ressenti par Michelangelo lorsque le petit Michele lui dit fièrement : J'apprends à lire, Monsieur !
(Présentation : Josette Reydet)