La narratrice remonte dans le passé de sa grand-mère paternelle, jeune fille sarde qui a toujours donné l'impression aux siens d'être différente. Folie, originalité, décalage, étrangeté ?
L'auteur, belle quadragénaire née à Gênes d'une famille sarde "depuis le paléolithique" dévide un écheveau emmêlé où se télescopent son propre passé et celui des générations précédentes avec pour fil conducteur une maison, des couleurs, des odeurs, un paysage, un pays avec son mode de vie et ses traditions toujours vivaces.
Le héros présumé n'est pas l'unique héros. A l'arrière-plan, les personnages secondaires, décrits avec humour parfois, tiennent une grande place. Il n'y a pas d'action véritable mais un travail de mémoire en va et vient où l'on se perd un peu parfois. Le problème de l'émigration sur le continent, toujours d'actualité est largement développé avec une légèreté apparente.
(Présentation : Josette Reydet)
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Une jeune fille raconte l'histoire de sa grand-mère.
Elle vivait en Sardaigne et ne s'était mariée qu'à plus de trente ans, âge qui à l'époque faisait d'elle une vieille fille. Elle avait pourtant beaucoup de soupirants mais tous, les uns après les autres, quelque temps après avoir demandé sa main à son père, espaçaient leurs visites puis disparaissaient. Personne ne savait pourquoi. Tous parlaient de raisons de force majeure.
En 1943, elle se mariera pourtant mais sans amour avec un homme de 40 ans, dont la maison avait été détruite par un bombardement. Elle avait appris plus tard que toute sa famille, dont sa femme, avait été tuée dans ce bombardement. Lui non plus ne l'aimait pas et d'un commun accord, le mariage ne fut pas consommé. Il continua comme avant à fréquenter les prostituées de la ville jusqu'au jour où elle lui proposa de remplacer les prostituées pour qu'il puisse s'acheter avec l'argent économisé, du tabac pour sa pipe. "Expliquez-moi ce qui se passe avec ces femmes, et je ferai exactement pareil."
En 1950 la grand-mère avait quitté son île pour faire soigner des coliques néphrétiques - le mal de pierres - qui la faisaient énormément souffrir. Elle était partie sur le continent pour une cure thermale. Là elle va rencontrer un homme - Le Rescapé - un bel homme qui marchait avec élégance malgré une jambe de bois. Ainsi avait commencé une grande passion.
Qui était vraiment sa grand-mère ? La narratrice va chercher la vérité. Un voile de mystère l'avait toujours entourée. Avant qu'elle ne se marie, ne s'était-elle pas jetée au fond d'un puits d'où on l'avait tirée par miracle ? N'avait-elle pas pour habitude de se taillader les veines des bras, de se couper les cheveux comme une galeuse ? N'était-elle pas devenue femme de ménage pour payer des leçons de piano à son fils ? La petite fille, malgré tout, avait toujours eu des relations privilégiées avec sa grand-mère, refusant de la quitter : "Petite, je faisais des scènes épiques, je hurlais, je me cachais sous les lits, ou je m'enfermais à clé dans une pièce et pour que je sorte ils devaient jurer de me ramener". C'est elle qui va aller à la recherche de ce que fut vraiment la vie de sa grand-mère, de son cheminement, pour nous en faire un portrait très émouvant. Mais il faudra attendre la dernière page pour comprendre la vérité. Et on reste abasourdi et même tout heureux d'un tel retournement de situation que rien ne laissait prévoir et qui donne tout son sens à l'écriture.
(Présentation : Anne-Marie Smith)