Édition 10/18 Zoé 2012 sortie 2017 en français traduit par Christine Raguet
C’est un récit qui relate en grande partie l’histoire de son auteur, Richard Wagamese, Indien Ojibwe du Nord Ouest de l’Ontario. C’est une histoire touchante, dure et forte.
Un homme, Saul Indian Horse, dans un Centre de rééducation post désintoxication choisit d’écrire sa vie plutôt que de la dire. Et nous entrons en sa compagnie dans le monde des Indiens de son clan vivant au bord de la rivière Winnipeg, où les rituels et les croyances magiques, le pouvoir de l’intuition font partie du mode de vie au quotidien où les prières se font dans la langue ancestrale où l’on vit de pêche et de ce qu’on cultive. Mais c’est aussi le Canada des années 1960 où les enfants se cachent des Blancs pour ne pas être « volés », une des grandes préoccupations du moment étant de « désindianiser » et de christianiser ces enfants dans des pensionnats tenus par des religieux sans scrupules et pervers.
Saul se retrouve dans l’un d’eux à huit ans après avoir perdu sa famille, son frère enlevé et mort de maladie après s’être enfui et revenu parmi les siens, sa sœur enlevée elle aussi, ses parents disparus. Il marchait dans un exil hivernal en compagnie de sa grand mère Naomi qui n’arrive pas au terme du périple pour rejoindre un lieu de vie plus civilisé et meurt dans le froid pour le sauver, lui.
C’est dans l’Institution Saint Jérôme qu’il découvre le jeu du hockey grâce à un des Pères encadreurs initiateur d’une équipe parmi les pensionnaires. Le blanc de la glace, le vertige de l’équilibre de la vitesse, la vision du jeu qu’il comprend et peut « voir » à chaque match le sauve de sa condition et lui procure joie et vie dans cet enfer où les adultes abusent d’un pouvoir malsain sur les enfants sous prétexte d’éducation. D’autres adultes bienveillants vont lui fournir famille et épanouissement par le jeu ainsi qu’une affection qui va l’aider pendant un temps.
Mais le hockey reste avant tout un jeu de Blancs où un Indien même sublime joueur ne peut trouver d’issue. Le racisme lui fera quitter le stade et le conduira à la déchéance, les petits boulots, la perte d’identité et puis une lente remontée.
En lui, une rage qu’il étouffe, et des visions qu’il retrouve de sa culture, de sa famille. Quand il entreprend de revisiter les lieux de son passé, il comprend que le jeu lui a donné la chance de réparer ses blessures d’enfance et que la guérison lui appartient.
La construction du récit est très intéressante et captivante même si la structure et la langue sont classiques. On suit les aventures de Saul du début à la fin du récit avec le même intérêt, étape après étape, éprouvant les sentiments qui l’animent, ressentant l’essence de ce personnage qui se construit, avec tantôt la naïveté de l’enfance, la profondeur de l’être en devenir, tantôt la rudesse de l’adulte en culpabilité, mais toujours animé comme lui du questionnement sur la recherche de sa vérité.
Un atout supplémentaire avec la magie du hockey sur glace, l’exaltation de la vitesse et cette vision de jeu comme un cadeau au héros si bien décrite nous entraîne à espérer au fil des mots que Saul s’en sorte, qu’il affronte ses démons, réussisse à les vaincre et à retrouver une joie d’être ou le blanc reste la lumière du jeu...
(Présentation : Annie Contin)