Hizya est le prénom un peu démodé d’une jeune fille algérienne. C’est aussi le prénom d’une héroïne du XIXème siècle, une très belle femme qui disparut toute jeune. Sayed, l’amoureux de la belle, foudroyé par le chagrin, fit écrire un poème par Ben Guittoun, pour exprimer le malheur qui avait bouleversé son âme, suite à la disparition de sa bien-aimée, Hizya.
La narratrice du roman de Maïssa Bey, influencée par le personnage de cette légende, veut comme elle, vivre une grande histoire d’amour, être une muse, et enflammer les cœurs. Elle veut aller à la rencontre de la jeune femme du poème. Il s’agit d’un rêve qui l’habite et motive chaque instant dans sa vie.
Bien qu’ayant un diplôme d’interprète de la faculté d’Alger, Hizya travaille dans un salon de coiffure. Elle habite la Casbah célèbre quartier, haut lieu du patrimoine algérien mais délabré et symbole de réclusion et d’interdits. Sa famille l’entoure et l’étouffe, elle vit sous le regard attentif de sa mère et de ses frères. Les descriptions du quartier, de la vie professionnelle et familiale nous font pénétrer dans le quotidien et la désespérance de la jeunesse algérienne. On se sent en Algérie par l’ambiance de la rue et de la famille.
Le salon de coiffure est l’espace de liberté des femmes : leurs histoires se croisent pour fuir la vie de tous les jours qui est pleine d’interdits . Au salon, la transgression des interdits, compliquant la vie, est nécessaire. Hizya vit ainsi un dédoublement de personnages : l’Une dans une Casbah en noir et blanc, l’Autre dans une Alger toute en couleurs.
Elle fait la rencontre d’un jeune homme. Des discussions, des sorties s’en suivent. Pour réaliser son rêve et aller jusqu’au bout de sa quête, elle doit transgresser, dire, braver cette ligne rouge qui se trace devant elle. Ainsi, elle se trouve partagée entre deux mondes : rébellion et interdits. Un tumulte de questions trouble sa tête : avancer ou reculer, dire ou se murer dans le silence, se rebeller ou accepter la soumission, aller jusqu’au bout du rêve ou se laisser choir dans l’abîme de la réalité amère.
Les actions de Hizya sont commentées par un narrateur omniscient qui la transporte des chimères à la réalité . Réussit-elle à aller à la rencontre de cette Autre, libre et rebelle, en
elle ? Réussit-elle à suivre le chemin tracé par la légendaire Hizya ? La narratrice tente de mettre des mots sur ses voyages entre rêves et réalité mais elle ne trouve que des questions dont la plus pesante est : « la poésie ne résisterait-elle pas à l’épreuve de la vie, de la vraie vie ? ».
Maïssa Bey s’inspire de la légende de Hizya pour peindre la situation, voire le combat, de ces femmes qui luttent pour vivre leur rêve, être elles-mêmes, dans un quotidien dur et plein d’interdits.
Ce roman est un texte intelligent, fin et profond .Un récit vibrant , lumineux et réaliste à la fois , un hymne à la liberté et à l'émancipation , illuminé par la poésie, et un beau portrait de femme .
(Présentation : Mireille Le Louet)