Dérangé est un misérable docker qui tente de survivre sur le port de Mutsamudu, capitale de l’île comorienne d’Anjouan. Il décharge et transporte bagages et colis sur son chariot déglingué, vit dans une pauvre cahute, entouré de voisins qui se moquent de lui . Il passe pour un simple d'esprit et se fait régulièrement rouler par les autres dockers, en particulier trois d'entre eux nommés Pirate, Pitolet et Pitié et surnommés les Pipipi.
Un matin sur le port, il rencontre une femme qui lui demande de s’occuper des marchandises de son mari, une femme superbe qui tente de le séduire, lui, pauvre pouilleux avec son pantalon troué et sa chemise en lambeaux. S'ensuivront une série d'événements tragi-comiques qui vont rapidement le conduire à sa perte.
Car, dès le début du roman, le lecteur est prévenu, Dérangé est perdu. Et c'est alors qu'il sent venir sa fin qu'il entreprend de nous conter sa vie et les aventures rocambolesques qui l'ont mené dans un lieu obscur, où il est enfermé, ligoté et ensanglanté.
Le récit est concis ; il se déploie de manière quasi-linéaire à la manière d'une fable, menant inéluctablement à une fin tragique, mais la force de l'auteur est dans la façon de traiter la cruauté avec un humour ravageur. Dérangé pose un regard singulier sur le monde qui l'entoure et ses réflexions sont à la fois naïves et pleines de sagesse, donnant à ce texte très imagé un caractère poétique. Et il faut souligner aussi que l'écriture D'Ali Zamir se démarque par une créativité particulière. En amoureux de la langue française, Il parsème sa prose de mots anciens et rares : la gymnophorie, un agélaste, le vénéfice, les hétaïres. Ces archaïsmes ajoutent à la drôlerie d'une farce contemporaine qui emporte le lecteur par sa verve pittoresque et chatoyante.
« Dérangé que je suis » est le troisième roman d'Ali Zamir, né en 1987 aux Comores, installé à Montpellier suite à un séjour en résidence d'écrivain.
Présentation : Catherine Soubigou