L’inspecteur Chen est un policier fin lettré et poète, héros récurrent des romans policiers de Xiaolong Qiu, écrivain chinois exilé aux Etats-Unis depuis les événements de la place Tian’anmen.
Il se trouve ici confronté à l’énigme de la mort de Zhou, cadre du parti de la ville de Shangaï. Victime d’une violente campagne anti-corruption sur Internet, il est retrouvé pendu. Les internautes se sont déchaînés contre lui, surpris sur une photo avec un paquet de cigarettes de luxe, emblème des « gros-sous » corrompus.
S’est-il suicidé ou a-t-il été assassiné ?
La critique est sévère : de l’hypocrisie officielle du pouvoir qui clame que le modèle chinois est une réussite, tout en censurant toute tentative d’expression du peuple. Ce pouvoir qui s’inquiète de la montée de l’exaspération générale, à travers un internet qu’il ne peut pas complètement contrôler et qu’il ressent comme une menace.
Chen, aidé d’une jeune journaliste, sonde les blogs clandestins, surveillé par les autorités. L’enquête les conduit dans les milieux de la presse et dans les cyber-cafés.
La liberté d’expression n’étant pas tolérée, il reste toujours diplomate et prudent.
On nous parle d’une Chine complexe et non stéréotypée : celle d’hier avec ses poètes classiques et ses coutumes persistantes (rites funéraires), confrontée à celle d’aujourd’hui marquée par la spéculation immobilière, la course au profit, les malversations et la corruption à tous les niveaux .L’écrivain exilé peut se permettre un regard critique et sans concession sur un pays contrasté.
La découverte des villes de Shangaï et de Shaoxing est passionnante, quasi documentaire.
Le héros, l’inspecteur Chen est plein de charme et attachant ; une histoire d’amour ancienne dont il ne se remet pas le rend mélancolique. Son intelligence, son don pour le raisonnement lui permettent de saisir les difficultés de l’enquête, dans une intrigue qu’on ne lâche pas.
C’est aussi un esthète, il est cultivé, il écrit des poèmes et a un goût développé pour la gastronomie, ce qui nous vaut des descriptions de repas intrigants ou appétissants !
Le style est assez tranquille, ponctué de pauses, de réflexions sous forme d’extraits de poèmes et de philosophie confucéenne bienvenus.
N’hésitons pas à retrouver l’inspecteur Chen dans les autres opus de la série de ses aventures.
(Présentation : Marie-Pierre Orsoni)