C'est le premier roman policier de Aro Sáinz de la Maza, auteur barcelonais qui a déjà publié une dizaine de titres.
Après un prologue énigmatique, l’intrigue démarre très fort et va aller s'épaississant. Pour n'avoir pas su résoudre une affaire à temps, l'inspecteur Milo Malart, a été mis à pied. Très atypique, il est suspect de tout ce qui cloche, des erreurs comme des fuites, aux yeux de ses collègues.
Dans une mise en scène très macabre, un notable est retrouvé accroché à l'un des plus célèbres monuments de Gaudi, la Pedrera, brûlé vif. Milo est sommé par la juge Susana Cabot de reprendre du service car elle pense qu'il est le seul à même d'élucider un crime si hors-norme. Vu la situation et réputation de l’inspecteur, cela se fera tout de même sous conditions et sous contrôle. Flanqué d'une sous-inspectrice, Milo mène son enquête, avec ou contre les autres membres du groupe des affaires criminelles. C'est que le crime de la Pedrera semble d'un genre bien nouveau, par sa radicale et implacable cruauté, par son audace et sa précision aussi. A peine ouverte, l'enquête patine et sème la panique dans les services de police mais aussi parmi les notables, ces quatre cents familles qui entendent régner sur Barcelone et qui en en ont fait ce qu'elle est aujourd'hui : une ville entièrement dévolue au tourisme, où les victimes de sa folie des grandeurs ne se comptent plus depuis les Jeux de 92. Tout cela à quelques jours de la visite du Pape qui doit consacrer le grand œuvre de Gaudi, la Sagrada Familia, et que l'on attend un exceptionnel afflux de touristes.
Il y a quelque chose du conte dans le Bourreau de Gaudí, d'un conte noir et cruel. Tout cela dans une ville qui se révèle aussi une ogresse qui dévore ses enfants et se nourrit de leurs malheurs, une métropole qu'un célèbre architecte trop génial pour n'être pas aussi un peu fou, a transformée en spectaculaire énigme.
L'écriture du roman se fait par ailleurs dans un troublant parallèle avec celle du crime, élaboré avec un souci de l'esthétique, de la plastique, qui démultiplie le malaise et le trouble, installant une morbide fascination à laquelle il faut savoir s'arracher au risque d'en devenir malgré soi complice.
La victime ? Sans nul doute l'image de la ville phare, de la cité devenue un jour olympique, puis plus que jamais capitale touristique, cachant ses secrets sous les marbres et ferronneries d'un architecte génial et visible.
Précision des scenarii et des descriptions urbaines, politiques et sociales. Se télescopent l’histoire de la ville, les choix politiques et financiers des élus dans le développement de la cité, l’histoire des assassins, avec bonne analyse des comportements humains.
L'auteur est amateur de contes et a même publié en Espagne plusieurs recueils de récits collectés à travers le monde. Or, des contes, il se dit aussi que ce sont des mensonges qui disent la vérité...
(Présentation : Annette Rit)