Giosuè Calaciura est un journaliste et romancier né à Palerme en 1960. Son premier roman « Malacarne », publié en 1998, aborde le thème de la Mafia de façon originale sous l’angle de la fiction. « Borgo vecchio » de 2017 est son 5ème roman et a remporté en Italie le prix Paolo Volponi.
La littérature, pour Giosué Calaciura, ne peut pas se contenter de procurer « un frisson esthétique » : c’est « un moyen d’attention aux autres » qui a « la capacité d’indiquer là où il y a nécessité de justice » ( entretien lors de la rencontre Italissimo de 2018).
Borgo vecchio … c’est le nom d’un quartier de Palerme mais la ville n’est jamais citée dans le récit. Les couleurs, les sons, les odeurs du quartier, sont largement évoqués mais il ne s’agit pas de « couleur locale » et ce Borgo vecchio n’a pas vraiment de géographie : cela pourrait être n’importe quel quartier déshérité d’une ville méridionale, là ou certains sont assignés à résidence.
Narré à la 3ème personne, c’est un roman plein d’humanité et de poésie. On suit les personnages, essentiellement des enfants, au cours de 7 chapitres qui sont comme autant de nouvelles que l’on pourrait presque lire de façon indépendante. On retrouve Mimmo, le narrateur, et son ami Cristofaro qui endure quotidiennement la violence paternelle. Un lien très fort unit les deux enfants et Mimmo entreprend de sauver l’enfant martyr. Il y a aussi Celeste, dont Mimmo est amoureux : fille de Carmela la prostituée, Celeste passe sa vie sur le balcon en apprenant ses leçons pendant que sa mère reçoit ses clients … et puis, celui que les enfants du Borgo Vecchio admirent, Toto, le voleur au grand cœur qui veut sauver Carmela en l’épousant.
Le regard de l’auteur se porte sur l’ innocence : celle des enfants, dont les pères défaillants sont absents ou violents, et celle des animaux en souffrance comme Nanà, le cheval que le père de Mimmo exploite cruellement dans des paris clandestins.
Ce sont là des histoires tragiques, cruelles. Misère d’un monde où les destins se perpétuent de mère en fille et de père en fils mais où naissent aussi l’amour et l’amitié qui peuvent parfois défier le poids des déterminismes et offrir une possibilité de salut.
Dans « Borgo Vecchio », la réalité est comme transfigurée par une langue métaphorique. Il y a une délicatesse et une mélancolie dans la narration et un recours fréquent à la symbolique chrétienne qui insufflent comme un réalisme magique. Et il y a la présence de l’eau, la mer si proche, et la pluie qui, lors d’un déluge apocalyptique, vient comme purifier et réparer … préparer une fuite possible …
(Présentation : Tiziana Champey)