1982. Sarah, 22 ans, part pour le Groenland. Sa mère et sa jeune soeur Lisa l'accompagnent à Roissy. Six semaines plus tard elles sont à nouveau à l'aéroport avec le père cette fois-ci : ça fera plaisir à Sarah qu'ils aillent la chercher tous ensemble. Mais quand les passagers du vol Copenhague arrivent, Sarah n'est pas parmi eux. Elle ne sera pas non plus dans les vols suivants. Au fur et à mesure que le temps passe, la douleur de la mère fait basculer la famille dans une attente insoutenable. La douleur du père est plus silencieuse. Ils se lancent tous deux dans une quête éperdue . La police refuse de lancer des recherches : à 22 ans on est libre de disparaître si on veut. Alors ils font publier des annonces dans des journaux locaux, ils envoient des lettres aux compagnies aériennes et aux autorités locales, ils embauchent un détective privé, ils participent à des émissions de TV style Perdu de vue : mais aucune trace de Sarah... le silence .. .un silence pire que la mort.
27 ans plus tard, Lisa, mariée, mère de deux enfants, ne supporte plus de se sentir effacée par l'absence de sa soeur. Elle sent qu'elle vacille dans l'espace trop restreint que ses parents lui accordent, l'absence de Sarah étant toujours aussi obsédante pour eux. Se sentant au bord de l'abîme, elle veut faire valoir ses droits, ses droits à vivre tout simplement. Alors elle se décide à partir pour le Groenland, pour aller voir, pour aller marcher sur les traces de Sarah, pour trouver peut-être un indice.
Elle va découvrir un pays à la dérive, un territoire dévasté : le processus de la fonte des glaces est enclenché inexorablement, et avec lui son lot de catastrophes : les hameçons sont vides quand les pêcheurs retirent leurs lignes sous la glace qui se brise; sur la banquise des pans de glace énormes partent à la dérive; que vont devenir les 5000 chiens du village si la glace continue à se liquéfier ? Les suicides se multiplient parmi les pêcheurs, une mauvaise banquise amène des cadavres. Toute l'organisation sociale s'étiole ... On est bien loin de l'image d'Epinal du Grand Nord dont nous avons tous rêvée.
Un monde est en train de disparaître, une femme a disparu... Quand on sait que la disparue avait consacré sa vie à la musique, que ses voyages étaient choisis en fonction de l'acoustique de telle ou telle salle à travers le monde et que son voyage au Groenland avait sans doute un lien avec la mort d'une compagne aimée, on entend derrière les mots une musique qui ne peut être qu'un requiem. L'auteur a su donner un relief à son écriture : les phrases peuvent être hâchées, sèches, où les mots jetés parfois sans règle, sans ponctuation, entraînent le lecteur dans une quête impossible et un devenir en perdition, privé de rêve.
(Présentation : Anne-Marie Smith)