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Nous sommes dans la Sardaigne des années 50.
«Fillus de anima : C’est ainsi qu’on appelle les enfants doublement engendrés, de la pauvreté d’une femme et de la stérilité d’une autre. De ce second accouchement était née Maria Listru, fruit tardif de l’âme de Bonaria Urrai »
Quand Tzia Bonaria vint chercher Maria pour en faire sa fille d’âme, elle n’avait que six ans. Sa mère ayant eu déjà trois enfants, elle n’hésita pas à céder sa fille qui s’était habituée à être le cadet des soucis d’une famille qui n’en avait que trop. En donnant Maria, elle pouvait ajouter chaque jour à sa soupe, deux pommes de terre. Dans le village les commérages vont bon train : on pensait que Maria serait la domestique de Tzia Bonaria et que si celle-ci l’avait adoptée, c’était pour ne pas mourir seule. Mais Maria va trouver auprès de Tzia Bonaria une affection à laquelle elle n’était pas habituée : elle découvrait la sensation d’être importante. Elle lui permit même de faire des études, ce qui était bien peu courant pour une fille à cette époque. Non seulement elle allait à l’école mais elle ne faisait jamais des travaux pénibles que ses sœurs avaient l’habitude de faire, elles qui vivaient dans la misère : elle n’avait jamais déterré la moindre pomme de terre, ni arraché une betterave, elle ne s’était jamais trempée, comme ses sœurs,dans une rizière pour un salaire à la journée … Tzia Bonaria entourait la fillette d’une réelle tendresse mais cette complicité fut troublée un jour par une découverte : elle avait huit ans quand elle s’aperçut que Tzia Bonaria sortait parfois la nuit. Maria entendait les pas de quelqu’un qui venait la chercher, devinait une silhouette dans la clarté des étoiules et voyait partir Tzia enveloppée d’un grand châle noir. Elle savait alors que Tzia serait absente une partie de la nuit. Tout le monde dans le village, sauf Maria, savait que Tzia Bonaria était l’accabadora,une femme de légende qui jouait dans les villages sardes un rôle bien particulier dont Maria découvrira le secret bien plus tard.
Le village est un personnage à part entière du roman. Le calme que l’on découvre dans la première partie n’est qu’une façade : rumeurs, traditions, croyances et pratiques ancestrales sont données avec beaucoup de détails : le vieil aveugle qui entend la voix du vin à naître et détermine ainsi le moment propice des vendanges ; pour un mariage, le pain nuptial qui a plus d’importance que les alliances et est enduit d’une cire qui le protége des moisissures et des mites ; les querelles de voisinages dues à des murs que l’on déplace pour gagner quelques mètres de terrain ; les lamentations des pleureuses quand un habitant meurt ; les portes qu’on laisse ouvertes à la Tousaint pour laisser entrer les âmes des défunts qui viennent manger la nourriture qu’on leur a laissée…
Des sujets graves sont évoqués : la misère des villageois dans ces années 50, l’adoption, le rapport à la mort qui est présent tout au long du livre. La gravité de ces sujets est atténuée par une écriture simple, poétique et d’une grande sensibilité.
(Présentation : Anne-Marie Smith)
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