Dès les premières pages, le mystère s'installe.
Chaim pense qu'il est arrivé au bout, à trente et un an il ne peut plus continuer, sous quelle identité ? Il est déjà mort à Monte Cassino. Il ne s'appelait pas Chaim Chlebek mais Ryszard Morgiewicz....Chaim s'en veut de rabâcher ses ennuis. Il n'avait qu'à réfléchir, mais au fond, il se sent libéré, presque neuf, la mafia jour et nuit depuis...cinq ans !
1951, Sud du Texas : Chaim roule de nuit vers la frontière du Mexique. Il est surpris dans son sommeil par des voyous qui veulent le dévaliser, lui tirent dessus, lui écrasent le visage et le laissent pour mort.
Ce doigt qui humecte ses lèvres est doux, légèrement parfumé. Odeur de propre, de plantes...Il est couché, le moteur gronde.L'homme doit conduire, la femme est là, près de lui...il ne fait que s'évanouir et s'éveiller...Une femme, une Indienne est là.
Il sera secouru et recueilli par cette jeune Indienne, Dallas, et son compagnon Dirk, un Scientifique allemand, ancien espion exilé aux Etats Unis. Tous deux vivent dans un ranch isolé, à l'écart de la société.
Lentement, grâce aux soins de Dallas aidée d'un chamane de sa tribu, Chaim va émerger des cauchemars qui revisitent son passé. Le passé qui repasse. Les absences de Dirk faciliteront l'adaptation de Chaim à cet habitat sommaire et au mode de vie de Dallas. Tout un monde inconnu à appréhender. Pourra-t-il renaître à nouveau ?
Oublier son passé sulfureux ? Finira-t-il par gagner le Mexique avec le sac de dollars dérobé à la mafia de New-York et caché dans un lieu qu'il peinera peut-être à retrouver ?
D'une écriture sèche, en phrases rythmées comme les saccades des routes du Texas, Richard Morgiève dresse un portrait irrévérencieux de l'Amérique des années 50.
Par la voix d'un orateur public, il nous donne à lire les propos suivants :
Bien avant les Turcs et les Allemands, les Blancs américains ont inventé le génocide. Ils ont exterminé les Indiens, les ont dépossédés et ça ne les empêche pas de prêcher la démocratie, de s'ériger en champions de la démocratie...Le maccarthysme, c'est le nazisme à la portée de tous... Les Américains seront balayés par l'histoire parce qu'ils sont cons. Cette superpuissance s'effondrera dès la fin du siècle.
Ce texte foisonnant, violent et poétique à la fois, commence comme un polar et devient au fil des pages un récit passionnant, haletant. Se lit comme un voyage intérieur, un journal politique et social mais surtout roman d'amour, d'apaisement et hymne à la nature. Sur une pente, en pleine aube, il a enfin conscience que la nature est une écriture.Elle est structurée comme telle, avec pleins et déliés, verbes, adjectifs, temps, ponctuations. La nature peut donc être entendue, comprise. C'est une langue et l'homme peut l'apprendre et apprendre d'elle ce qu'il n'apprendra pas par lui-même ni par son rapport avec ses congénères...
Tout autour d'eux, les cactus sont en fleur, rouges comme les coquelicots de Monte Cassino.
Présentation : Josette Reydet