"Terre et cendres" se     déroule pendant l’invasion soviétique en Afghanistan. 
        Court rappel historique :  C’est le 27 décembre     1979 que l’URSS envoie en Afghanistan une armée de 150000 hommes. Ils vont y     rester jusqu’en 1988. Quand ils se retirent, le bilan est lourd : 1 million     de morts, 4 millions de réfugiés en Iran et au Pakistan. Et surtout le retrait     des soviétiques va faire naître une guerre civile entre les combattants de l’islam     qui s’opposent dans des mouvements rivaux à l’intérieur du pays, ce qui va être     à l’origine du mouvement taliban. 
        Le livre : 
  Un vieillard et son petit-fils Yasmin ont longtemps marché dans la poussière     et le chaleur d’une route au milieu du désert dans le Nord de l’ Afghanistan.     Epuisés, ils s’arrêtent près d’un pont et attendent. Ils attendent qu’une voiture     passe pour les emmener à la mine, là où Mourad, le père de l’enfant , le fils     du vieillard, travaille. Dastaguir, le vieillard, imagine la rencontre avec     son fils : 
        
          Qu’est-ce qui t’amène,           Père ? Tout va bien, j’espère ? 
          Depuis plus d’une semaine, jour et nuit ce visage et cette question           ont pris possession de ton esprit. Cette question te ronge le sang. Ta           tête n’est-elle donc pas capable d’apporter une réponse ? Ah, si seulement           cette question pouvait ne pas exister. Si on pouvait ne jamais dire pourquoi           ! Tu es venu prendre des nouvelles de ton fils. Tout simplement. Mais           enfin… Comme n’importe quel père, tu penses de temps en temps à ton fils.           Est-ce interdit ? Non. Il n’empêche que tu sais toi, pourquoi tu es ici. 
        
        Yassin, l’enfant, s’impatiente. Il a soif : son grand-père       lui donne une pomme ; il essaie d’en écraser un morceau entre deux pierres.       Mais Yassin n’entend pas le bruit de la pierre : il est devenu sourd après       le bombardement sur le village où ils vivaient. Dastaguir va faire le récit       du bombardement à Mirza Qadir, le marchand qu’il est venu voir dans sa baraque,       près du pont, pour lui demander un verre d’eau.
        
          - Le soldat prétend           que les Russes ont anéanti le village…. 
            - C’est peu dire, mon frère, ils n’ont pas épargné une seule vie… Je           me demande ce que Dieu pouvait bien nous reprocher… Notre village est           réduit en poussière. 
            - Pourquoi l’ont-ils attaqué ? 
          - Tu sais bien , mon ami, dans ce pays, si tu te demandes pourquoi,           il faut commencer par faire parler les morts dans leurs tombes .Qu’est-ce           que j’en sais, moi, pourquoi ? Il y a quelque temps, une bande de traîtres           du gouvernement est venue lever des troupes. La moitié des jeunes gens           a fui, l’autre moitié s’est cachée. Prétextant la fouille des maisons,           les miliciens ont tout piller et saccager. En pleine nuit, des hommes           arrivés du village voisin  ont massacré les miliciens du régime…
          Au matin, ils sont repartis       avec les jeunes gens qui s’étaient dissimulés aux bannières rouges… Dès le       lendemain les Russes étaient, le village était encerclé. Je me trouvais au       moulin. Tout à coup il y a eu une détonation. Je suis sorti. Je ne voyais       que des flammes et de la poussière. Je me suis mis à courir vers la maison.       Pourquoi n’ai-je donc pas été tué par un éclat avant d’arriver chez moi !       Quel péché avais-je donc commis pour être condamné à vivre, à être témoin       de… 
              Ta gorge est nouée. Les larmes font irruption dans tes yeux. Non, ce       ne sont pas des larmes, c’est ton chagrin qui fond et qui s’écoule. Laisse-le       couler… 
              Je courais vers la maison dans un nuage de flammes et de fumée. En chemin       j’ai vu la mère de Yassin. Elle courait entièrement nue… Elle ne criait pas,       elle riait. On aurait dit une folle courant dans tous les sens. Elle était       au hammam quand la bombe était tombée… Le hammam avait explosé… Des femmes       étaient mortes et avaient été enterrées vives… Mais ma bru… Si  j’avais       pu perdre mes yeux et ne pas la voir dans un tel déshonneur. J’ai voulu la       rattraper mais elle a disparu dans les flammes. Je ne sais pas comment j’ai       retrouvé la maison. Il ne restait plus rein… Elle s’était transformée en tombeau       pour ma femme, mon autre fils, sa femme et leurs enfants… 
        
        Le vieillard se laisse aller à de lugubres pensées et         quand la somnolence l’envahit, d’horribles cauchemars lui font revivre le         bombardement : dans sa tête, ce ne sont que flammes, poussière, cris et         larmes. Sa douleur est cachée au fond de lui et ne parvient pas à exploser         : aucune larme n’a coulé de ses yeux, il n’a partagé son chagrin avec personne,         il n’a pu faire encore en lui le travail de deuil qui pourrait le soulager.         De plus, la vision de Mourad, son fils qui a échappé à la mort, le hante         : heureux de le retrouver, il sait cependant qu’il va enfoncer un poignard         dans le cœur de son fils, en lui apprenant que sa famille a été décimée.         Pourquoi lui dire ? Pourquoi ne garde-t-il pas sa douleur pour lui ?