Une préface signée Gérald Asmussen, un journaliste norvégien. Tout de suite le problème est posé : il décrit des images qu’il a filmées pour montrer la beauté des océans : …J’ai applaudi la course des manchots, noir et blanc comme des pies, semblables à des torpilles vivantes dont les bonds surfilaient l’eau. J’ai fait silence, j’ai retenu mon souffle à l’apparition des baleines. J’ai senti la puissance du dauphin dans la valse éternelle de l’eau et la densité de sa chair musculeuse sous le lustre gris de sa peau …
Mais cette beauté a été saccagée par l’homme : Au cœur du Pacifique, dans le nœud de ses courants vers le Nord, j’ai filmé la grande décharge du monde : sur trente mètres de profondeur un continent de plastique, sacs, bidons, bouteilles, de toutes les marques, dans toutes les langues et de toutes les couleurs. Jusque dans ses espaces inatteignables, le globe terrestre devenait l’égout des hommes…J’ai
combattu l’horreur : les tueries, les mutilations, les dépeçages, l’entassement des cadavres. J’ai vu mourir noyées dans leur sang des baleines qui criaient comme des femmes …
Il a entendu parler d’un certain Magnus Wallace, un militant écologiste qui n’hésite pas à utiliser la violence, à agresser ses interlocuteurs, vu par certains militants écologistes comme un fou, un crétin dangereux, un forcené de qui l’on peut s’attendre à tout. Qui fait du tort au mouvement. C’est de cette façon qu’est présenté Wallace dans le premier chapitre, par un important militant écologique que le journaliste a rencontré. Un extrémiste qui prend en chasse des baleiniers qui n’ont pas d’existence légale et prend ainsi de gros risques même s’il n’a jamais causé la mort de quelqu’un.
Mais le ton change dans le chapitre suivant. Parce qu’à force d’entendre dénigrer Wallace, le journaliste a eu envie de le rencontrer. Et un chapitre va nous présenter le personnage. Un homme d’action, cultivé, d’un tempérament déterminé et attachant, qui avait fondé une association, Gaïa, dont il était le capitaine. Un homme inaccessible aux compromis et aux corruptions, qui faisait la guerre au monde civilisé qui vivait aux dépens des autres espèces. L’homme utilise les ressources de la planète à satiété, consomme d’une façon éhontée et ne se soucie pas de savoir ce qu’il restera pour les générations futures.
Le narrateur décide d’embarquer sur le Arrowhead, un vieux navire qui appartient à Gaïa, qui va partir pour les Galápagos, avec Wallace pour capitaine. Sur le bateau, 26 bénévoles qui ont tous conscience que les hommes sont infâmes avec le monde animal :
Nous étions la génération qui avait rompu le pacte de la domestication. Nous avons détruit le lien ancestral qui unissait les animaux aux hommes et nous avions réduit le domaine sauvage qui leur était laissé en partage.
Les hommes se comportent comme des égoïstes et des vandales. Ils se montrent cruels envers les uns et les autres et ils le sont à l’égard des animaux. L’espèce humaine allie intelligence et agressivité à un degré si élevé qu’elle est en train de détruire la planète… IL faut de toute urgence faire comprendre aux gens que s’ils perdent les animaux, ils mourront avec eux.
Il n’y a plus à chercher des terres inconnues. Il reste à révéler ce que l’homme impose à la Terre et à l’arrêter, quel que soit le prix de l’affrontement.
Le journaliste, avec sa caméra, va justement révéler ce que l’homme impose à la Terre. Il va montrer comment Wallace, au péril de sa vie, au mépris des dangers, s'interpose entre les animaux marins menacés et "les pirates, les tueurs" qui rejettent vivants "les requins mutilés, les tortues asphyxiées par les filets, les oiseaux aux ailes brisées".
Un livre à lire de toute urgence.
(Présentation : Anne-Marie Smith)