La Malavita (la mauvaise vie), c'est un des nombreux surnoms donnés à la Mafia, qu'on appelle aussi "la pieuvre", "Onorevole societa" ou encore "Cosa nostra". Dans le dernier roman de Tonino Benacquista, Malavita est le nom d'un chien. Etrange, ce nom pour un chien ! Pas tant que cela quand on sait que son maître, Fred Blake, est un ancien caïd de la Mafia new-yorkaise. Pourquoi Fred Blake vient-il s'installer dans une bourgade de Normandie, Cholong-sur-Avre, avec sa femme Maggie, leurs deux enfants Belle et Waren et leur chien Malavita ? Les premières pages du roman semblent dire que ce n'est pas de gaieté de coeur qu'ils emménagent dans un pavillon 1900, charmant mais vétuste : "Ils prirent possession de la maison au milieu de la nuit... (Ils) emménageaient à la cloche de bois et s'efforçaient de ne pas attirer l'attention". Pourquoi le jeune garçon Waren réagit-il violemment quand il se rend compte qu'il n'y a pas la télévision dans la maison ? "La télévision n'est pas un objet, maman, c'est ce qui nous relie au monde, au monde réel, loin de cette espèce de bicoque branlante dans ce trou à rats plein de bouseux qu'on va devoir se coltiner peut-être des années. La télé, c'est la vie, c'est ma vie, c'est nous, c'est mon pays."
Leur pays, les Etats-Unis, ils l'ont quitté depuis plusieurs années, contraints et forcés; d'abord installés à Paris, ils ont dû partir pour s'installer à Cagnes-sur-mer et les voilà maintenant au fin fond de la Normandie, dans une petite ville sans attrait. Pourquoi ces fuites successives ? Pourquoi ce mal-être des personnages qui donnent d'eux à leur entourage, une image qui ne correspond pas à ce qu'ils sont ? Que cachent-ils ?
Tonino Benacquista, spécialiste du roman noir, nous convie une fois encore à une histoire à suspense bien ficelée. Au suspense s'ajoute une certaine désinvolture qui fait que ses personnages sont à la limite de la caricature et l'histoire à la limite du rocambolesque. Mais ces excès n'empêchent pas Tonino Benacquista de nous donner dans son livre des pistes de réflexion sur la nature humaine, sur les relations sociales et familiales et sa présentation de la mafia est très réussie. A cela s'ajoutent des qualités de construction avec des rebondissements qui ménagent le suspense. On suit par exemple le parcours d'un petit journal scolaire qui fait quasiment le tour du monde en passant de main en main : un chapître particulièrement savoureux...
(Présentation : Anne-Marie Smith)