Kasuo Ishiguro imagine une société où la technologie conditionne le mode de vie
des humains. Les enfants les plus prometteurs, ceux qui ont été « relevés », ne vont
pas à l’école mais suivent des cours à distance. Ils ont pour compagnons des
artefacts humains qui leur tiennent lieu de nounous, de confidents : ce sont leurs
amis domestiques.
Ces robots sont extraordinairement performants : des objets de luxe qui ne sont pas
accessibles à tous.
Dans le récit de Kasuo Ishiguro, la narratrice est Klara un robot féminin, une AA
particulièrement intelligente, très observatrice, sensible, judicieuse, bienveillante,
curieuse de décrypter tout se qui concerne les comportements, les émotions et les
sentiments humains. Elle a été conçue pour interagir par des réactions adaptées.
Klara a-t’elle une conscience … c’est ce que l’on se prend à se demander, dès les
premières pages, devant l’acuité de son jugement et son aptitude à l’introspection.
Klara, artefact sophistiqué, est cependant destinée à être achetée. Elle se trouve
parmi d’autres « marchandises » dans la vitrine d’un magasin et elle désire par
dessus tout qu’un enfant veuille d’elle. La gérante du magasin est confiante : « Klara
a tant de qualités uniques que nous pourrions y passer la matinée. Mais si je devais
en souligner une seule, ce serait son goût pour l’observation et son désir
d’apprendre. Sa capacité d’absorber et d’assimiler tout ce qu’elle voit autour d’elle
est stupéfiante. Par conséquent, elle a aujourd’hui une intelligence plus sophistiquée
que tous les AA de ce magasin y compris les B3 »
C’est Josie qui va acquérir Klara. Josie est une enfant unique, malade, qui vit seule
entre sa mère, très prise par son travail, et sa gouvernante Melania.
Klara sera pleine d’attentions et de prévenance envers sa petite propriétaire. N’est-
ce pas de la compassion qu’éprouve Klara envers cette petite fille qui souffre de son
isolement et d’une pression parentale peut-être trop forte pour elle… car Josie est
une enfant « relevée », une enfant très stimulée, fruit d’un projet parental bien
précis…Josie, une enfant surprotégée, surinvestie par sa mère qui entrave sa
liberté.
La lumière du soleil inonde bien des pages du roman et la quête même du soleil par
Klara constitue une ligne de force dans la narration car le soleil est le nutriment de
ces robots. C’est aussi, pour Klara, un interlocuteur privilégié car elle voit dans le
soleil le mystère et la source de la vie , un remède magique. « Je comprenais qu’en
dépit de toute sa bonté le soleil était très occupé ; que beaucoup d’autres gens que
Josie avaient besoin de son attention ; ( … ) Il me vint alors l’idée que pour qu’elle
reçoive l’aide spéciale du soleil, il serait peut-être nécessaire d’attirer son attention
d’une façon notable. »
Klara est d’une loyauté et d’une sincérité émouvantes et elle est prête à tout pour
sauver Josie : ne serait-ce pas là des marques d’empathie … d’attachement …
d’affect … d’amour … Et c’est là le trouble que crée en nous Kazuo Ishiguro : Klara
a-t’elle une âme ? ....
(Présentation : Tiziana Champey)