- Une femme sous l'emprise de la boisson, coupe une jambe de son mari d'un violent coup de hache - "Et la jambe, qu'est-ce qu'on en fait ?"
- Des Russes roublards se débrouillent avec des moyens bien peu légaux, pour boucler les fins de mois.
- Une mutinerie dans une prison stoppée grâce à la calvitie de Poutine.
- Un homme n'a plus ni femme ni enfant : il n'a pas dessoûlé depuis trois mois.
- Des vieillards sont assis dehors, silencieux et immobiles "le regard tourné au loin, vers on ne sait quoi ... Attente de la fin"
- Un paysan achète une machine à laver mais oublie de brancher un tuyau d"évacuation de l'eau.
- On récupère des boîtes de coca-cola comme objets de décoration.
- Des villages où rien n'a changé depuis des dizaines d'années.
- Comment fonctionnent les kolkhozes avec une administration toute puissante mais on s'en sort grâce à des combines bien réglées.
- Igor, un villageois, reçoit très gentiment un voyageur dont le train est bloqué par une tempête de neige. Il partage avec lui sa vodka. Le voyageur veut repartir, mais comment ? - "J'ai un cheval, je peux t'emmener. Mais pas quand je suis saoul, et je suis toujours saoul !"
Il y a comme ça 43 nouvelles qui composent ce recueil, récits souvent très courts qui se situent de l'époque communiste à la Russie d'aujourd'hui. Ce sont des scènes de la vie de province, où archaïsme et modernité cohabitent.
Archaisme, parce qu'on retrouve les vieux clichés sur l'âme russe autour desquels on a beaucoup brodé. Et c'est vrai que ce recueil fait le portrait d'une Russie éternelle, où l'alcool et la corruption sont rois, où l'on s'adonne à un affairisme débridé face à une bureaucratie toute puissante et où on se laisse aller à un fatalisme bien peu porteur de progrès. Mais une forme de modernité s'installe avec l'invasion du coca-cola -"Un grand merci à toi, coca-cola, boisson du progrès russe" - , du DVD, de l'ordinateur et l'envie de la démocratie.
On rit souvent bien sûr à la lecture de ces histoires où perce souvent l'ironie. Mais la vie est bien dure, souvent pathétique, dans cette Russie-là. Il n'y a qu'à lire la nouvelle "Voisins" : Les locataires d'un immeuble de 8 étages et de 144 appartements où il n'y a qu'un seul ascenseur - "...en cas d'incendie tout le monde brûlera et personne ne s'en plaindra" - vivent dans des conditions sordides, pour certains dans une solitude qui leur fait friser la folie; parmi eux, des prostituées, des artistes complètement déjantés, des vieux russes qui ont vécu toute leur vie selon le vieux principe russe : voler, boire et aller en prison, tous fatalistes face à leur vie de misère et à la mort : -"Nous n'emporterons rien avec nous dans notre cercueil"-
Extrait : "Bruits matinaux " (une nouvelle d'une page et demie)
Réveil.
Cuvette des WC.
Téléphone. Répondeur.
- Bonjour, mon chéri. C'est Olia. Encore merci d'avoir signé les papiers du divorce. Je pars à Chypre avec mon ami. J'ai laissé le chèque à ta mère.
Bourdonnement du rasoir électrique.
Clapotis de l'eau dans le lavabo.
Téléphone.
- Vadik, c'est Serioga. Je n'ai rien pu faire. Le chef a signé ton ordre de licenciement. Si tu vas chez nos concurrents, ne m'oublie pas. Rends la clé de ton bureau au secrétariat. Salut !
Chuintement de la bouilloire.
Ressort du grille-pain.
Téléphone.
- Ici Maria Ivanovna. Vadim Ignatievitch, mes parents ne viennent pas dans une semaine, comme ils l'avaient promis, mais après-demain. Il faudrait que vous ayez libéré l'appartement dès demain, pour que je puisse faire le ménage. Vous pouvez laisser les clés dans la boîte aux lettres. Je suis désolée. Au revoir.
Bruit des voitures dans la rue.
Claquements de chaussures dans l'entrée de l'immeuble.
Téléphone.
- Ici Serioga. C'est encore moi. J'avais complètement oublié. Rends aussi au secrétariat les clés de la voiture. Le chef en a besoin demain. Salut.
Froissement de papiers.
Grincement de la porte de l'armoire.
Téléphone.
- C'est moi. Vous me reconnaissez ? Je n'ai pas pu trouver un six coups. Faut prendre un sept coups. ça fera deux cents de supplément. Aujourd'hui à l'endroit habituel.
Cognement du cadre de la fenêtre que quelqu'un a ouverte grande.
Deux pas sur le rebord de la fenêtre.
Chute sur l'asphalte, quelques étages plus bas.
Cris.
Téléphone.
- Bonjour. Je suis le représentant de la firme "Vivre avec le sourire". Permettez-moi de vous féliciter, Vadim Ignatievitch. Vous avez gagné deux tubes de notre nouvelle crème rafraîchissante pour le visage. Et si vous envoyez à notre adresse un mandat de cent quarante roubles, vous aurez une chance de gagner notre super prix : le nouvel aspirateur Turbo-3000...
(Présentation : Anne-Marie Smith)