Xerkés cinéaste grec mythique, est invité à La Mostra de Venise pour son dernier film. Sisco journaliste, couvre l'évènement pour un quotidien de Gap.
Etrange rencontre. Lors d'une pérégrination nocturne dans la ville, ils échangent une promesse : réaliser un film ensemble.
Sisco, épris d'histoire régionale, écrit un scénario sur la vie de Mandrin et Philis de la Charce. Xerkés s'en empare, qui veut dire la fureur du monde.
Des comédiens-saltimbanques vont vivre des scènes tour à tour drôles, burlesques ou violentes, toujours réalistes et souvent périlleuses. De Gap ou Embrun jusqu'à N'Djamena, Grosnyï et Mellila, le maître veut démontrer "qu'il n'y a pas de différence entre la déroute des paysans de La Charce et l'exode aujourd'hui des réfugiés du Soudan...La banlieue d'Embrun s'étend jusqu'à la province du Darfour..."
Qu'adviendra t'il de cet ambitieux projet ?
D'une écriture sèche, sans fioritures, sensible et véhémente, l'auteur "déroule" son livre. Sisco, Xerkés mais aussi Lola, Luciana et Govan sont des personnages.
Certaines péripéties de ce tournage les renvoient à leur passé, à une part secrète de leur vie qui nous est lentement dévoilée.
Venise : dernier jour de la Mostra. Après le palmarès du festival, Sisko, journaliste envoyé d’un journal de Gap, erre dans le labyrinthe des ruelles de la ville, avant de rentrer à son hôtel. Il rencontre Xerkès, un vieux réalisateur grec, un géant du cinéma, à qui on vient de refuser le Lion d’Or qu’il attendait. Bref dialogue. Ils se quittent sur une vague promesse de travailler ensemble.
Sisko revient à Gap, pour faire des recherches sur Mandrin, un chef de bande du XVIIIe siècle, à la fois brigand et héros, qui s’était rebellé et pillait les bourgeois pour redistribuer leur argent aux pauvres décimés par la famine. A ce personnage populaire, il va, en vue de faire un livre, associer une femme, Philis de la Charce, une autre héroïne du Dauphiné, qui avait levé une armée de gueux au XVIIe siècle, pour arrêter les désirs de conquête du duc de Savoie sur le Dauphiné.
Les deux héros deviennent ainsi sous la plume de Sisko, les symboles de la violence faite aux pauvres, de la misère et de la répression dans les provinces du Sud de la France.
C’est alors que Xerkès se rappelle à lui pour lui proposer de faire un film à partir de ses deux personnages. Ce sera une histoire qui ne manque pas de souffle : famine, loups, meurtres et épidémies sont le quotidien des campagnes à l’époque de Mandrin. Mais très vite Sisko se rend compte que Xerkès veut aller plus loin dans son film :
« A quelques heures d’avion d’ici, on trouve la même violence, le même obscurantisme que du temps de tes héros. Pointe un doigt au hasard sur la planète, tu tombes sur cinq, dix pays de misère et de guerre. Je ferai de Mandrin et ses coupeurs de route, de la fille de la marquise de la Charce, des figures d’aujourd’hui… Contrairement à ce que tu penses, les peuples n’apprennent rien du passé, ils pataugent en rond dans la même gadoue, s’embarquent dans les mêmes galères, l’histoire des civilisations n’est pas linéaire…
Hier se vit aujourd’hui, mais ailleurs. Le décalage des images suffira à établir une passerelle entre le passé et le présent qui se vivent en boucle »
Quinze jours plus tard, la troupe du film faite de saltimbanques et d’acteurs de théâtre de rue, s’installent à Embrun, sur une place de la haute ville, près de la chapelle des Apparences. Mais à l’inverse de ce que croyait Sisko venu avec son scénario, tout va se faire dans l’improvisation et l’imprévu. Xerkès a convoqué l’actualité sur le tournage… Je ne fais pas de différence entre la déroute des paysans de la Charce et l’exode aujourd’hui des réfugiés du Soudan … La banlieue d’Embrun s’étend jusqu’à la province du Darfour…
Quel est ce projet fou qui se met en place dans la chapelle des Apparences ? Quelle quête ces deux hommes poursuivent-ils ? Fascinés par la désespérance, quelles plaies de leur passé les brûlent ? Ils portent sur notre monde un terrible regard : lucidité ou folie ?
(Présentation : Anne-Marie Smith)