Une mère et ses deux enfants prennent le car pour aller voir la mer. C'est elle qui raconte, elle, une mère anonyme, on ne connaîtra jamais son nom. Les deux enfants, Stan et Kévin, neuf et six ans, semblent contents de partir, mais l'inquiétude perce : Stan guette sa mère, comme il le fait quand elle reste assise des heures sans bouger dans la cuisine, et ses regards sont soucieux. Kévin est angoissé de ne pas aller à l'école le lendemain. Nous-mêmes lecteurs, sentons tout de suite couver le drame ; de petits détails laissent deviner qu'on ne pourra pas échapper à l'explosion de la tragédie : ils partent le soir pour que personne ne les voie ; avant de partir ils n'ont pas fini le pot de confiture et « cette confiture allait rester pour rien » ; ils n'ont pas pris les jouets que Kévin voulait emporter parce que « je savais bien qu'on allait pas jouer ».
Mais la ville où ils arrivent est comme abandonnée par le soleil, la pluie ne va pas cesser de tomber. Tout leur semble hostile : dans l'hôtel où ils prennent une chambre, tout est marron, les murs, le lino, les portes ; c'est un vieil hôtel où ils doivent monter six étages avant d'arriver dans une chambre minable, où la porte ne peut s'ouvrir entièrement parce qu'elle vient buter contre le lit, unique mobilier qui prend toute la place, où la fenêtre donne sur un mur qui bouche toute la vue.
Cette hostilité, ils la retrouvent aussi dans la rue, dans un café où ils vont boire un chocolat. Et quand ils découvrent la mer, le choc est terrible : c'est une mer en colère, démontée, avec des vagues énormes qui terrifient les enfants ; la plage est souillée de déchets, de bouteilles abandonnées, de plastiques accrochées aux rochers.
Alors malgré tous ses efforts pour apporter quelques petites joies à ses enfants, la mère se laisse à nouveau envahir par « des pensées noires et glacées ». Ses angoisses qu'elle avait réussi à faire taire quelques instants, remontent à la surface et l'entraînent au fond d'un gouffre sans fin.
« Les retrouvailles avec mes monstres. Des bêtes à pinces, des petits cancers rampants qui cherchent à me sucer le sang. Ces choses-là me disent toujours que ça va pas, que ça va pas du tout, que tout est raté et que ça peut devenir pire, quelque chose d'effrayant m'attend, et c'est de ma faute, je m'y suis mal prise et il est trop tard pour moi & je m'en sortais pas, y avait pas de paix pour moi ».
Véronique Olmi a écrit ce livre après avoir été profondément choquée par un entrefilet lu dans la presse qui racontait un drame vécu par une mère et ses deux enfants. Elle a voulu essayer de comprendre ce qui avait pu se passer. Et son récit nous percute comme un coup de poing, nous horrifie et nous glace, tant le ton est juste, tant les mots employés nous malmènent et ne nous cachent rien du drame.
(Présentation : Anne-Marie Smith)