Un livre fait de 14 histoires :
La première : un Mexicain a sillonné le Japon puis a trouvé Yoko, une fille qui aime le sexe et s’amuser avec laquelle il s’installe dans une cabane de pêcheurs au bord de l’océan. Et puis on est le 11 mars 2011 l’avertissement vient : quelque chose là-bas dans les profondeurs a commencé d’arriver… une bouteille à terre se met à trembler et à rouler…les vitres commencent à vibrer puis à trembler trop fort… tous les objets semblent soudain avouer qu’ils sont vivants…ils geignent, chuintent, crient, hurlent et se contorsionnent, se déforment, tirent, poussent, cassent…la vibration parcourt les corps et fait sonner les os comme une caisse de résonance dans les membres …Et la vague arrive qui va tout dévaster. Guillermo s’enfuit vers la plage où la vague va l’engloutir tandis que Yoko, qui a appris à l’école japonaise les gestes qui sauvent, sera sauvée.
La dernière histoire : une famille japonaise est à Paris. On est le 11 mars 2011. Une petite fille Fumi veut téléphoner à sa grand-mère qui est restée au Japon. Mais ses parents le lui interdisent et lui suggèrent plutôt d’enregistrer une cassette qu’on enverra à sa grand-mère et sur laquelle elle mettra ses impressions, ce qu’elle fait, ce qu’elle a vu. Il y a comme un malaise autour d’elle, on lui fait des sourires qui semblent embarrassés.
Ce n’est pas un livre sur le tsunami de Fukushima ; seules la première et la dernière histoires racontent comment des gens ont subi directement la catastrophe. Le livre est fait d’une succession d’histoires, qui se déroulent dans différentes régions du monde et qui n’ont aucun lien entr’elles si ce n’est qu’elles se passent toutes le même jour, le 11 mars 2011, jour de la catastrophe nucléaire et que les personnages ont tous, à un moment, le regard accroché aux images du désastre qui défilent sur écran dans le monde entier. Le livre n’est fait que d’un chapitre où l’on glisse d’une histoire à une autre par quelques mots et des petites vignettes qui sont comme des arrêts sur image qui nous indiquent que le récit va glisser vers une autre histoire. Ex : Un Philippin qui travaille à Dubaï rêve de retourner chez lui, il rêve de fonder une famille et de vivre ce voyage inoubliable, magique, magnifique et éblouissant, un retour chez lui comme le plus beau des voyages de noces – un voyage comme celui que vont connaître Denis et Dorothée, jeunes époux s’élançant dans la vie ….Et nous suivons le jeune couple en voyage de noce dans l’avion qui les emmène vers les chutes du Niagara.
Tous les personnages de ces 14 histoires sont partis loin de chez eux, en voyage ou exilés, en rupture ou à la recherche de quelque chose.
Une jeune femme est venue à Jérusalem pour essayer de percer un secret de famille qui concerne un grand-père polonais, vu comme un tortionnaire nazi.
Un Philippin, employé dans un grand hôtel de Dubaï, subit des humiliations de la part d’une population ingrate et désagréable.
Un couple qui navigue dans le golfe d’Aden, est rattrapé par des pirates qui n’hésitent pas à tuer l’homme sous les yeux de sa femme.
Un ingénieur malaisien retrouve à Moscou l’homme dont il est amoureux pour une torride nuit d’amour alors qu’il apprend que la femme de son amant est en train d’accoucher.
Un homme emmène à Rome pour une escapade amoureuse l’ex-fiancée de son fils …
Des existences fragiles, en plein désarroi, en rupture de quelque chose, ayant vécu un drame.
Ces existences sont traversées à un moment ou à un autre par la tragédie japonaise qu’ils voient se dérouler sur écran. Les distances sont abolies par la Toile, la Tele, la mondialisation, les informations circulent à la vitesse de l’éclair, les hommes bougent sans cesse, partent, passent d’un lieu à un autre, cherchent à se fixer ailleurs, consomment du voyage, ce qui leur donne le sentiment peut-être illusoire de partager le même monde… et pourtant l’homme est seul dans ce monde réduit, chacun est enfermé dans son histoire, rivé à son histoire. est-ce qu’un événement qui se passe loin ou pas, me concerne ou non ?
Question actuelle : la communication unit ou isole ? Chacun n’est-il pas de plus en plus seul devant son écran ? L’homme pris dans la mondialisation des images et de l’information n’est-il pas irrémédiablement seul ?
(Présentation : Anne-Marie Smith)