Un petit village de la "zone grise" du Dombas en 2017, coincé entre armée ukrainienne et séparatistes pro-russes, déserté par ses habitants. Ils ne sont plus que deux dans le village : Sergueïtch et Pachka. Ils survivent dans des conditions de vie rudimentaire : ils ont à peine de quoi se nourrir, l'électricité est souvent coupée, ils s'éclairent à la bougie, plus de télévision, du charbon qu'il ne faut pas trop gaspiller et le silence coupé par des explosions et des bruits de canon. Ennemis d'enfance, ils arrivent quand même à se parler et à s'entr'aider.
Avant la guerre, la vie était paisible pour Sergueïtch ( le personnage principal du livre) auprès de sa femme et de sa fille. Il a 49 ans, il a une pension d’invalidité pour cause de silicose car il était inspecteur de la sécurité dans les mines. Mais un jour sa femme et sa fille le quittent et sa vie en est bouleversée. il n’a personne à appeler ... »
« Il avait continué à vivre. Une vie tranquille, à l’abri du besoin. Savourant
l’été le bourdonnement des abeilles, et l’hiver le calme et le silence, la
blancheur des champs couverts de neige et l’immobilité du ciel gris. Il aurait
pu passer ainsi le reste de sa vie , mais le sort en avait décidé autrement.
Quelque chose s’était brisé dans le pays, s’était brisé à Kiev, là où il y avait
toujours un truc qui n’allait pas . S’était brisé, et de telle manière que de
douloureuses fissures s’étaient propagées par tout le pays, comme dans du
verre, et de ces fissures du sang avait coulé. Une guerre avait éclaté, dont la
cause pour Sergueïtch, depuis trois ans déjà, restait brumeuse. »
« La guerre n’avait pas fait naître chez Sergueïtch de peur pour sa vie. Elle avait fait naître chez lui une certaine incompréhension ainsi qu’une brusque indifférence à tout ce qui l’entourait. C’était comme s’il avait perdu tout sentiment"
Sergueïtch possède six ruches et il croit au pouvoir bénéfique des abeilles. On vient de loin pour faire une sieste, allongé sur les ruches et éprouver ainsi le pouvoir apaisant et même curatif des abeilles.
Inquiet face à un hiver interminable , Sergueïtch décide de quitter son village pour offrir à ses abeilles un environnement plus favorable : les faire butiner dans des prairies fleuries et calmes ne pourra qu'être favorable à la miellaison. Il charge ses six ruches sur sa vieille Lada et le voilà parti vers les plaines d'Ukraine en premier lieu puis vers la Crimée ensuite.
On est bien au coeur de la guerre et les services de sécurité russes ne sont jamais loin. Mais la guerre est en toile de fond seulement car ce qui intéresse Andreï Kourkov, c'est d'aborder le conflit à hauteur d'homme, s'attarder sur le ressenti et les sentiments des personnages.
Cette passion que Sergueïtch a pour ses abeilles, met en évidence la psychologie du personnage, accentue ses qualités humaines : il vit en harmonie avec la nature – il est heureux quand ses abeilles sont heureuses – il est modeste – il est protecteur ……
Et en plus il est philosophe notre Sergueïtch quand par ex. il constate la sagesse de la nature.
Face à des situations et des événements qui bien souvent, le dépassent, il reste un homme de bonne volonté qui, lorsqu'il le faut, sait prendre des décisions qui vont l'amener à s'engager, même si c'est contraire à sa nature.
(Présentation : Anne-Marie Smith)
Ecouter l'émission de radio sur Fréquence Mistral pour la présentation des "Abeilles grises" par Tiziana Champey