Richard Powers, romancier américain :
  - Le temps où nous chantions, 2006
  - La chambre aux échos, 2008
  - Orfeo, 2015
  L’arbre monde lui  a valu le prix Pulitzer en 2019 dans la catégorie roman.
  C’est Richard Powers qui parle :
  Je me promenais dans les montagnes de  Californie, sous de jeunes   séquoias, lorsque je suis tombé sur un très vieil  arbre, un rescapé   épargné sans doute par la tronçonneuse. . Cet arbre était   incroyablement énorme,  peut-être cinq ou six fois plus gros qu’une   baleine bleue (le plus gros animal  au monde, ndlr). Il était plus large   que ma maison, peut-être aussi vieux que  Jésus, et depuis sa base où   je me tenais, je ne pouvais pas entrevoir sa cime.
   Quand j’ai appris qu’on continuait à abattre  des séquoias de ces   proportions et de cet âge, cela a complètement bouleversé  mon travail   d’écrivain et ma vie. Ce  fut un moment charnière dans ma vie,   au cours duquel j’ai pris réellement  conscience, pour la première fois,   du destin de ces magnifiques créatures – des  créatures qui   s’inscrivent dans des échelles de temps et d’espace bien plus    importantes que les humains.
  Cette découverte a été pour Powers une révélation à tel point  qu’il a   décidé de s’établir dans le Tennessee, près du Parc National des Great    mountains, là où l’on trouve des vestiges de la dernière forêt primaire   des  Etats-Unis.
  
  Dans son livre Richard Powers ne raconte pas son expérience,  il écrit   un roman sur les arbres, avec des personnages. Il y en a 9, neuf voix    qui composent un roman choral, comme neuf nouvelles qui après vont   s’entrelacer  comme les racines d’un arbre. Ces neuf nouvelles     composent une première partie nommée  « Racines » où la vie, la   trajectoire de chacun des personnages nous  est présenté. Et ils ont   ceci de particulier c’est que chacun a dans sa vie un  lien avec un   arbre, son double sylvestre. Ainsi par ex. le premier personnage,  Nick   Hoel, descendant d’une famille d’immigrés avait pour totem un   châtaignier,  sans doute le seul rescapé d’une terrible épidémie qui   avait ravagé toutes les  forêts de châtaigniers. Le père de Mama Mi,   exilé chinois ayant fui le  communisme  était arrivé aux Etats-Unis    avec son murier…Douglas, un vétéran du Vietnam a été sauvé par un arbre   alors  qu’il sautait en parachute…. Une des héroïnes, Patricia,  une des   neuf, docteur en botanique, a  démontré qu’il existe un système de   communication très développé entre les  arbres. Professeur d’université,   elle apprend à ses élèves comment les arbres se parlent….
  
  Tous, à un moment ou à un autre de leur vie vont prendre  conscience   que l’homme est en train d’éliminer toutes les forêts. Et certains  vont   s’engager dans une lutte sans merci contre les bucherons et les   gendarmes  qui les protègent, pour sauver des séquoias qui peuvent avoir   des centaines,  voire des milliers d’années. Le plus vieux séquoia se   trouve en  Californie : il est vieux de 3200 ans mesure 75 mètres de   haut et 8 mètres  de diamètre à la base. Ces arbres sont abattus par les   hommes aveuglés par leur  intérêt personnel, leur profit. Des actions   violentes sont menées :  agressions au gaz poivre, des excavatrices   délogent les occupants, il y a des  blessés et même des morts. C’est   dans la deuxième partie du livre intitulée  « Tronc ».
  
  On sort de la lecture de ce livre rudement inquiets sur  l’avenir de   l’humanité, mais avec une note optimiste : voilà un livre très  bien   documenté, avec ce qui ne gâche rien des touches de poésie,  qui devrait   aboutir à l’éveil des consciences. "Vous et l'arbre de votre jardin   êtes issus d'un ancêtre commun. Il y  a un milliard et demi d'années,   vos chemins ont divergé. Mais aujourd'hui  encore, après un immense   voyage dans des directions séparées, vous partagez  avec cet arbre le   quart de vos gènes...
  La dernière partie appelée « Graines » commence  par une page (lire   ci-dessous) qui montre quel rôle les arbres ont joué dans notre   civilisation  et surtout que l’homme n’a pas su s’intégrer   harmonieusement à la nature qui  était pourtant là bien avant lui ; au   contraire il a tout bouleversé et la  forêt agonise, victime de la   croissance et du progrès.
Extrait :
Disons que la planète nait à minuit et   que sa   vie court sur un jour. Au début, il n'y a rien. Deux heures   sont   gaspillées par la lave et les météores. La vie n'apparait pas   avant   trois ou quatre heures du matin...d'infimes bribes qui se   dupliquent. De   l'aube à la fin de la matinée (un milliard d'années de   ramification)   rien n'existe que de maigres cellules simples. Et puis   quelque chose de   fou arrive peu après midi. Une variété de cellule   simple en asservit   deux ou trois autres. Les noyaux acquièrent des   membranes. Les deux   tiers du jour sont passés quand animaux et plantes   prennent des chemins   séparés. A neuf heures du soir apparaissent   méduses et vers de terre.   Les plantes parviennent à la terre juste   avant vingt-deux heures. Puis   les insectes qui aussitôt décollent.   Vers onze heures, les dinosaures   ont fait leur temps et laissent la   barre aux mammifères et aux oiseaux   pour une heure. L'homme moderne au   sens anatomique se pointe quatre   secondes avant minuit. Les premières   peintures rupestres apparaissent   trois secondes plus tard. A minuit   la plus grande partie du globe est   convertie en cultures intensives   pour nourrir et protéger une seule   espèce. Et c'est alors que l'arbre   de vie devient encore autre chose.   Que le tronc géant commence à   vaciller. 
(Présentation : Anne-Marie Smith)