Gap -  Hautes-Alpes

Le messie du Darfour

Abdelaziz Baraka Sakin

Zulma, 2017 -
traduit de l’arabe (Soudan)
par Xavier Luffin.

 

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Prix Littérature monde 2017, Prix du Livre engagé de la Cène Littéraire 2017, Prix du Livre d'humour de résistance 2016.
Il est des romans dont l’histoire elle-même est un roman. Le Messie du Darfour est de ceux-là. Publiés en Égypte et en Syrie, les romans d’Abdelaziz Baraka Sakin bénéficient d’une grande audience doublée d’une popularité importante. Son roman sur le conflit du Darfour, pourtant, ne circule que clandestinement au Soudan, son pays natal, puisqu’il est interdit de traiter de la question du Darfour au Soudan, même à travers la fiction. Or lorsqu’à la Foire du livre de Khartoum, il reçoit le prix Tayeb Salih, les autorités saisissent immédiatement ses ouvrages et Le Messie du Darfour est censuré. Abdelaziz Baraka Sakin vit aujourd’hui en Autriche où il a obtenu l’asile politique.
On pourrait ne voir dans ce roman qu’une épopée moyenâgeuse, alors qu’il est d’une brûlante actualité, il témoigne par le biais de la fable d’un pays dévasté, en plein chaos, un roman glaçant, palpitant, picaresque où le rire côtoie le tragique avec beaucoup d’aisance et de qualité littéraire.
L'auteur Abdelaziz Baraka Sakin souhaite que le lecteur ne se repose pas dans la lecture de son livre et en effet c'est un livre complexe, avec de nombreux flashbacks.
Il parle, à la manière d'un conte africain mystique, mais d'un réalisme cru, du terrible conflit au Darfour et dans la région, un monde en plein chaos, sans parler du Soudan du Sud. S'ajoute l'histoire surréaliste dans un pays musulman (les chrétiens étant plutôt au Soudan du Sud, d'ailleurs la partition s'est faite dans le sang) d'un Messie prônant l'amour.
Le livre commence par la parabole du corbeau, cet oiseau prophétique dont le cri est un mauvais présage, il annonce le malheur. Le ton est donné.
L’auteur ne cesse de démontrer l’implication du gouvernement qui s’ingénie à faire passer « la guerre du Darfour pour un conflit entre deux communautés imaginaires, les arabes et les Zourga, les noirs » . « Mais qui sont ces Noirs ? Il leur expliqua qui étaient les Noirs, ce qui les rendit confus car tous les adjectifs utilisés pour les décrire correspondaient parfaitement à chacun d’entre eux »
L'auteur dresse différents portraits de cette tragédie qui montre un régime (celui de Omar El- Béchir sans jamais le nommer) qui pousse des miliciens terrifiants, les janjawids, à détruire la population du Darfour afin d' en prendre les terres. L'auteur dénonce la barbarie sans nom de ces hommes prêts à toutes les horreurs:
Les Janjawids :
"Les janjawids ne sont pas une tribu, ni même une ethnie, car l'homme nait bon, ce n'est que plus tard qu'il a le choix entre devenir un être humain ou un janjawid".
Abderahman :
Cette jeune fille au prénom masculin, qu'elle s'est donné sans doute, veut être une guerrière comme un homme afin de venger sa famille massacrée, ses soeurs et elle même violées par les Janjawids. Elle sillonne le Soudan, armée jusqu'aux dents pour tuer ceux qui sont responsables de son malheur.
Des détails sur ses viols lors de l'attaque de son village est d'un réalisme insoutenable, mais cela est dit en quelques mots, sans émotion.
Abderahman a été recueillie par Kharifiyya dont nous allons, au cours de la lecture, connaitre également la terrible histoire.
Abderahman va se choisir un mari Shikiri lui même le neveu de Kharifiyya.
Nous avons là une famille singulière qui va se rallier à la voie que propose le Messie.
Ibrahim et Shikiri :
Deux jeunes enrôlés de force dans l'armée lors de simples contrôles à des check point. Par Ibrahim nous remontons aux racines de l'esclavage. Shikiri est non violent et ne veut pas combattre.
Kharifiyya :
Un passage émouvant du livre est le chapitre qui raconte comment Kharifiyya perdit la foi.
En effet la seconde cible du roman, après le régime, c'est le traitement médiatique de la guerre au Darfour, présenté comme une guerre "ethnique" ce que Sakin dénonce.
Kharifiyya qui vient d'assister à la mort de son mari et de ses enfants, a survécu à des viols répétés des Janjawids et à une nuit passée seule attachée à un arbre, elle rencontre sur les lieux du drame, des émissaires étrangers qui repartent sans arriver à échanger un mot avec elle. Kharifiyya perdit la foi parce que Dieu n'a pas précipité dans un gouffre les Janjawids porteurs de désolation. L'indicible s'est produit et elle ne peut rien dire à personne.
Le messie du Darfour :
Le messie prône l'amour. C'est une manière différente de faire face à la guerre et la douleur. Le prophète incarne pour tous ces êtres brisés et anéantis la seule chose qui leur reste d'humain, l'espérance d'un monde meilleur.
Sakin raconte que le dernier chapitre intitulé "la procession" est récité, sous le couvert, dans les camps de réfugiés:
"La procession qui avait quitté la grotte s'enfonçait maintenant partout, traversant les terres désertiques et les steppes, les forêts et les vallées verdoyantes. Lorsqu'elle passait par les villages incendiés, les maisons renaissaient de leurs cendres, les puits empoisonnés retrouvaient leur eau potable, les arbres arrachés repoussaient, la vaisselle brisée se recomposait, les troupeaux, les oiseaux, les lapins sauvages, les loups, les écoles, les jardins, les mosquées, les rues, les nuages, tout redevenait comme avant".
Ce livre est fort, émouvant et déroutant.

Présentation : Patricia Marcel